• (Ce texte est une transcription de la tradition orale des Hommes du Désert ; pas ceux en voile bleu qui ont une guitare en bandoulière, non. Ceux-là sont plutôt vêtus de rouge sombre, et rares sont les voyageurs qui ont eu la chance de les rencontrer)



    Le petit Ali vint en courant voir son père. Kamal, assis sur le sommet d'une dune, le dos appuyé contre le dromadaire agenouillé qui portait leurs réserves d'eau et de nourriture, le regardait venir.

    «
    Papa, Papa, cria l'enfant qui venait de faire pipi dans le sable ; dis-moi pourquoi je dois me débarrasser de toute cette eau, alors qu'elle est si précieuse !
    _Mon fils
    , répondit Kamal, ton corps expulse cette eau parce qu'elle est souillée. Au plus profond de chacun de nous, il y a un démon qui réclame son tribut en eau ; c'est pour ça que nous avons soif. Si nous refusons de le satisfaire, il se venge en nous desséchant de l'intérieur, comme notre peau brûle face au soleil du désert. Si nous buvons, sa colère s'apaise ; mais comme il est avisé, il n'en réclame jamais plus que nous n'en pouvons disposer ».

    Le jour suivant, Ali, qui venait de satisfaire derrière une dune à un autre besoin naturel – il était allé sur le pot, comme disent les enfants de chez nous – vint à nouveau voir son père.

    «
    Papa, demanda-t-il cette fois, dis-moi pourquoi je dois faire cela.
    _Mon fils
    , dit Kamal, je t'ai parlé hier du démon qui se cache au fond de nous ; ce démon réclame aussi chaque jour son tribut en nourriture. C'est ainsi que nous avons faim : si nous ne lui sacrifions pas la quantité qu'il demande, il nous ronge au creux du ventre, nous devenons maigres et très faibles. Après que nous avons accompli ce sacrifice, il nous faut nous débarrasser par les voies naturelles de cette nourriture qu'il a souillée, sans quoi nous tomberions malades ».

    Le petit garçon hocha gravement la tête ; son père lui expliqua que les choses fonctionnaient ainsi dans le désert. On respectait le démon, et le démon nous respectait. La vie avait son prix, et il en allait de même pour toute chose ; ainsi, le dromadaire qui les accompagnait transportait-il leur eau et leur nourriture, en échange de leurs soins réguliers. Puis, comme il était l'heure, le grand animal se redressa sur ses jambes maigres ; et l'homme et le petit garçon reprirent à côté de lui leur longue marche dans le désert.
    .

    Gatrasz.


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  • Après plusieurs tentatives infructueuses pour exorciser mes rêves, je décidai de prendre la situation par son autre bout et augmentai la dose de somnifère. Je me réveillai en 2084. La jolie blonde qui vint assister à mon réveil semblait environnée de nuages.
    "Avez-vous bien dormi, Monsieur ?
    _Euh...oui, merci, dis-je ; le son de ma voix avait baissé de deux tons au moins et me fit presque peur. Soit j'étais devenu Tom Waits, soit j'étais encore sérieusement dans le pâté...
    _Que faîtes-vous dans ma chambre, au fait ? demandai-je soudain, à brûle-pourpoint ; j'avais envie de l'appeler "Casque-d'Or", mais je doutais fort qu'elle se souvienne de Jean Gabin.
    _Je vous attendais, répondit-elle en souriant. Ses dents ne bougeaient pas, j'en conclus que si sa poitrine en silicone était bien réelle, le reste en revanche était sans doute artificiel. Vous avez été victime de l'effet secondaire numéro 72-244B, et vous avez dormi 74 ans sans vieillir...
    _Vous voulez dire qu'il me reste toujours...euh, 41 ans à cotiser ?
    Elle rit.
    _Non, Monsieur ! Ça n'aurait pas de sens. Vous cotisez 65 annuités, puis vous avez le droit de demander un emploi de retraite à mi-temps, si vous pouvez justifier que vous avez 82 ans au moins, une maladie invalidante et un...
    Le petit objet qu'elle portait à la ceinture clignota soudain bruyamment ; elle m'apprit qu'il s'agissait de son terminal
    (ainsi nommé parce que c'est terminé, on ne pourra pas miniaturiser les composants plus que ça) qui faisait radio FM, tazzer, bouilloire électrique, GPS, dictaphone, rétroprojecteur laser, chaîne Hi-Fi, sono, thermomètre, diffuseur de parfum d'ambiance, passe-partout électronique...
    -...vibromasseur ?
    _Pfff...évidemment ! Sinon, à quoi cela servirait-il, franchement ? Oh, poursuivit-elle, il faut que je renouvelle ma carte SIN.
    _Pardon...?
    _C'est pour pécher.
    _Ah. Ok. Et...ça mord souvent ?
    Elle m'adressa un clin d'oeil complice ; maintenant que son compte était dûment rechargé, nous pourrions faire tout un tas de bêtises : elle venait de se racheter (littéralement), ça resterait donc complètement légal. Je trouvai ça plutôt rassurant.
    Quand elle eût remis dans sa poche son terminal
    (de marque Sebb-Erriksson-ElectroLuxe, cela m'avait tout d'abord échappé), elle m'entraîna dehors. Sitôt en plein soleil, sa peau bronza en grésillant, instantanément ; et une mince pellicule de transpiration colla sa robe translucide à son corps à présent brillant. Je dus prendre un air vaguement inquiet (voire carrément affolé) car elle s'esclaffa, tandis que je dégrafais mon col pour respirer :
    _Ça surprend, la première fois, hein ?
    _Mais...il fait au moins 55 degrés ?!
    _A l'ombre, oui ; les bienfaits du réchauffement. A nous les Tropiques !
    _La pollution ? Le pétrole ?
    _Oh, non ; il prenait déjà feu dans les cuves des pétroliers au passage de l'équateur, alors ils sont passés par les pôles. Les dernières marées noires ont tué les pingouins ; mais aujourd'hui l'énergie à la mode c'est la géothermie.
    Je fus surpris d'apprendre que dessaler l'eau de mer ne coûtait plus rien ; presque plus besoin de chauffer pour atteindre l'ébullition, donc économie d'énergie. CQFD. L'eau de source de l'Antarctique était en vogue
    (plus de glace, donc plus aucune raison de protéger ce continent-là) ; d'ailleurs les fabricants de moteurs à eau faisaient fortune dans l'automobile, et la demoiselle tint absolument à m'emmener en ville dans sa Renauld-Volvicq décapotable. J'acceptai, me promettant de ne plus jamais prendre de somnifère...

    Gatrasz.

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  • "Je n'en peux plus de ce rouleau compresseur dans notre économie
    De cette machine de guerre qui écrase toujours et à tout prix.
    D'un silence beaucoup trop long complice d'exactions,
    Je crois qu'il est temps mes amis sans aucune concession que l'on passe à l'action !
    Depuis les années 30 on ne pense plus qu'à moderniser
    Avancer, profiter, piller même de pauvres étrangers
    Devenir le fleuron de toute la nation
    Sans se poser la question : qui paiera l'addition ?
    Au début ça paraît simple,
    Il suffit d'avancer,
    Mais au fur à mesure, ça devient de plus en plus dur,
    A force d'abuser, tout finit par céder !

    [...]

    Inversons la vapeur, il faut faire marche arrière !
    Redonnons un peu de couleur à cette pauvre terre.
    Personne n'osait l'imaginer,
    Et pourtant eux l'ont fait,
    Organismes génétiquement modifiés
    Pour notre bien être pour notre santé.
    Et tant pis pour tous ceux qui viendront après,
    Tant pis pour la terre, ou l'air
    Car au nom du progrès,
    Ils vendraient même leurs propres mères"

    [...]

    Extrait des paroles de L'Alternative par Tagada Jones...

     


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  • Fini le temps où l'Homme faisait plier la Nature ; Jules Verne avec son "Ile Mystérieuse" et "Buffalo Bill" Cody n'ont plus de raison d'être. Même les Héros de l'Aéropostale ne sont pas indélébiles, leurs noms dans les sables du Sahara s'effacent déjà. La victoire de l'Homme sur la Machine est une absurdité ; la victoire de l'Homme sur la Nature, un inceste à l'échelle de l'Evolution.

    Je ne veux rien dominer, juste établir un équilibre viable avec ce(ux) qui m'entoure(nt). Je ne veux pas posséder, j'ai envie que l'échange soit réciproque et profite à chacun en mesure des sacrifices consentis. Je ne veux prendre personne ; parce que j'ai tant de choses à donner, même si je n'ai rien. C'est un potentiel que j'ai à offrir, mais je ne vois pas l'intérêt de le faire fructifier pour moi seul. Il me faut, nécessairement, être utile à quelqu'un. Quelqu'un d'autre, je veux dire. 1+1=3 mais 1+0=0, en quelque sorte.

    Cessons de raisonner en terme de générations pour raisonner en terme d'Espèce. Pris individuellement, l'Homme est un parasite pour la Nature ; alors que, considéré en tant qu'espèce humaine, il en fait partie. C'est la seule façon. "
    Ce que j'ai fait, je te le jure, aucune bête ne l'aurait fait..." ; il n'avait peut-être pas tort, Guillaumet. Mais pas pour les raisons qu'on croit. Il paraît qu'on a 99% de gènes en commun avec les Chimpanzés  d'Afrique de l'Ouest ; mais si dans les 1% restants réside la connerie humaine, je veux bien m'en faire amputer pour ne pas pouvoir la transmettre. Quitte à ce que mes gamins ne mangent que des fruits ou de petites bestioles piquées au bout d'un bâton, et qu'ils résolvent par le sexe leurs conflits sociaux. Jusqu'à preuve du contraire, c'est loin d'être ce qu'ils ont fait de pire, les Chimpanzés avec leurs 1% de différence...et même si c'est plus compliqué que ça, au moins c'est un exemple qui fait réfléchir. B'jour, au fait...
     
     

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  •  
    Le Soleil brille, mon Coeur, c'est le Printemps
    Peut-être (ou pas) au calendrier
    Mais les fleurs ne s'y sont pas trompées
    Je t'ai emmenée dans les champs
    Pour batifoler
    Entre le fromage et les poires.
    Le chat s'amuse dans les hautes herbes
    Et tes yeux dans les miens aussi
    Sur la nappe du pique-nique, je t'aime
    Fini le pain, presque plus de beurre
    Pas d'heure
    Que des images et des couleurs
    Et des parfums
    De marguerites et de coquelicots.
    C'est beau, quand même
    De l'Amour et des champs de blé
    Et Toi...
    Dans mon dos griffent le Soleil et tes doigts
    Nous sommes deux fous
    Emmêlant nos corps génétiquement modifiés
    Par tous les épis de maïs qu'on a grignoté
    Ma peau brûle à cause de toi
    Les pesticides, on les sent même pas
    Grâce à eux ta grossesse aura des perturbations bizarres
    Et not'petit bébé s'ra tout tordu,
    Plein d'yeux ; et une crinière, comme le cheval de Przewalski
    Parce qu'on est en voie de disparition
    Et nous on est bêtes, on n'y pense pas, pfff...
    Mais demain, sûr, je me d'mand'rai
    Quelle tête auront mes gamins, tes gamins
    Et ce qu'ils pens'ront de nos tronches à l'air tellement coupable...

    On n'avait qu'à pas s'aimer dans les prés, hein ?
     

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