• Cardiophylax...

    Fond sonore : [Black Rebel Motorcycle Club - Shadow On The Run]

    Ton regard exprimait la plus totale attention, la plus entière concentration ; tu te penchais sur moi, et j'attendais couché le contact de tes petits doigts froids. Tu te demandais comment procéder, j'anticipais. Je m'emplissais de fantasmes comme un ballon s'emplit d'air, redoutant l'aiguille ; tu saisis le scalpel et me le plongeas directement dans la poitrine. Ah, l'exquise sensation ! Tu dessinais des formes géométriques, tu taillais, artiste jusqu'au bout des ongles sur la toile qui me servait d'épiderme - belles cicatrices en perspective. Je serai couturé de partout quand tu en auras fini. Je plonge mes yeux dans les tiens quand tu te penches, curieuse ; tu sembles ignorer mon âme et te perds dans la contemplation silencieuse des viscères que tu découvres. Tu saisis l'écarteur et le pousses entre mes côtes, tu serres, tu tires, tu tournes. Soudain tu écartes, je craque, sens mes côtes qui s'ouvrent et se brisent - intense émotion, libération des poumons qui se gonflent enfin sans entraves, laissent échapper le plus long soupir d'amour qu'on ait jamais poussé. Tu les repousses délicatement sur le côté, fouilles plus profond dans la cage brisée, démantelée, démantibulée - libre. Cherches le coeur, et je retiens mon souffle. Tes mains, merveilles agiles, triturent et glissent, et je me demande ce que cela me fera de les sentir sur mon coeur, sans frein, sans murailles, sans obstacle à ton étreinte. Enfin, c'est comme un robinet qu'on ferme : l'air cesse de s'enfuir, le système se bloque et...miracle ! Je sens ta poigne glacée de créature née des neiges éternelles se saisir de cet organe superflu qui, définitivement, ne peut être le siège de l'amour puisque je t'aime plus encore alors même que tu m'en prives. Dans un rêve je te vois le porter à tes lèvres, ce coeur rouge et tout frémissant auquel adhèrent encore quelques filaments d'artère... Je me sens investi d'un bonheur sans limite à cette vue si rare, si spéciale ; tes dents surgissent tout à coup d'entre tes lèvres pales et fines, et tu mords, tu dévores, tu déchires ce coeur surnuméraire. Tu manges salement comme il convient aux petites bêtes à qui l'on permet tout. Bientôt se lisent sur tes traits les stigmates attendus de la satisfaction et de la satiété les plus pures, les plus complètes - tu sais, maintenant. Et je n'aurai plus à m'en inquiéter, je ne suis plus qu'un coeur dépourvu de corps.

    Gatrasz


  • Commentaires

    1
    Jeudi 12 Février 2015 à 11:36
    El corazon
    El corazon, le siège de toutes nos turpitudes, de toutes nos angoisses, de toutes nos amours aussi... Un sacré fourre-tout en somme ) Joli, très joli texte M'sieur ! J'ai failli passer à côté ];-D
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