• ( Image : Half Life 2 )
     
           Le vent frais du matin balaie les rues désertes, agitant faiblement les branches des arbres sans feuilles. Entre leurs racines qui ont éventré le bitume, des ombres fantastiques se dessinent puis se résorbent. Le silence relatif qui règne tout à coup vacille, un grondement qui enfle et se rapproche, rebondissant sur les pans de murs en ruine et soulevant des nuées d'oiseaux noirs qui piaillent, effrayés. A l'angle d'une rue à demi obstruée par une barricade de pavés, surgit un véhicule petit et compact, blindé ; il se fraye un chemin parmi les débris et les carcasses de voitures. Parfois, un chat efflanqué surgit presque sous les roues et s'enfuit sans demander son reste sous les murs éventrés de ce qui fut un petit magasin d'électro ménager.
           L'étrange véhicule poursuit son trajet sinueux, de ruelles bloquées en jardins déserts. Sur les murs, des dessins mystérieux, rudimentaires sont comme les symboles noirs de territoires bien délimités ; l'un d'eux, très réaliste, semble avoir été interrompu en pleine réalisation. Tout près, des impacts de balles sur le ciment, et une grande marque sombre sur le mur. Ailleurs on peut voir des affiches collées de travers qui représentent un groupe d'hommes à l'air féroce neutralisant un petit personnage à l'aide d'un jet de liquide sous pression provenant d'une machine électrique (on voit les petits éclairs) où l'on peut lire "Kärch..." (le reste de l'affiche est déchiré systématiquement).
           De temps en temps, une silhouette famélique regarde sans broncher la machine qui passe ; le petit blindé traverse une place, devant une église en partie brûlée dont s'échappe la fumée de petits foyers autour desquels sont regroupés des poignées d'hommes et de femmes en haillons. Leurs visages creux et leurs grands yeux vides ne se retournent même plus, de peur de paraître suspects. Enfin, le véhicule arrive dans un quartier plus épargné. Franchissant les dernières barricades enfoncées, il débouche devant des bâtiments dont les deux premiers étages sont murés, inviolables. A l'approche du petit blindé cependant, de petits panneaux se découvrent ; il stoppe devant l'un d'eux, un haut-parleur se dévoile sous une plaque de blindage amovible :
     
    "Appartement 19C847-A18-27 ? Drone H85-AUCHAN, livraison de vos courses à domicile"
     
    Sur l'interphone dissimulé dans le mur, une lumière clignote et passe au vert, puis une cavité s'ouvre. Le drone, à l'aide d'un bras mécanique, y dépose un container décoré de couleurs vives ; ensuite, la cavité se referme, disparaît avec l'interphone dans l'épaisseur du mur. Le drone H85, sa mission accomplie, s'en retourne alors comme il est venu. Il est dix heures du matin, bientôt l'heure des embouteillages de drones...

    (inspiré par Frenchmat ; pour savoir ce qui se passe de l'autre côté du mur, cliquez içi...)

    Gatrasz.


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  • Elle est là, pimpante, devant votre porte, un peu tremblante dans sa robe serrée, brillante ; elle tâche de faire bonne figure, elle polit son sourire...

    Vous éteignez votre écran lorsque retentit le carillon ; il est trois heures de l'après-midi et ça ne vous met jamais vraiment de bonne humeur d'être dérangé au milieu d'un film... Vous rebouclez votre ceinture rageusement, vous demandant ce qu'on peut bien vouloir vous vendre : télévision, micro-ondes nouvelle génération, 4x4...tiens, ça ne serait pas mal, songez-vous, qu'un tirage au sort quelconque vous attribue un nouveau 4x4, vous commencez à vous lasser du pick-up de l'année dernière et tout le monde vous a déjà vu avec. Une ombre derrière la porte vitrée, comme on sonne encore vous grognez
    "ça va, ça va..." ; puis vous saisissez la poignée et, la chemise à moitié rentrée dans le pantalon, vous ouvrez...

    Elle se tient devant vous, déhanchée au maximum, et elle vous débite la phrase apprise par coeur ce matin ; le poignet cerclé d'un petit bracelet rouge, elle tient à la main une canette de soda, prenant garde de ne pas cacher la marque avec ses doigts fins et manucurés. Son sourire est éblouissant, comme de juste, et elle fait de gros efforts pour le conserver tout en parlant. Ses cheveux blonds platine descendent de chaque côté de son visage en longues vagues soyeuses, légèrement ondulées, jusqu'à venir flirter avec ses épaules nues et délicatement bronzées, un bronzage certes artificiel mais tellement parfait. Lorsqu'elle respire, ses seins comprimés par une robe taillée exclusivement à cet effet semblent vouloir jaillir loin de sa poitrine, gonflés à bloc ; le travail a décidément été bien fait par un Chirurgien-Artiste-Star, un virtuose de la plastique. Sous la taille tout aussi serrée, des hanches larges, à peines recouvertes par ce court vêtement "tout plastique" blanc brillant portant, en rouge, le message qu'elle vous répète de ses petites lèvres gonflées :
    "Cette poupée vous est offerte par C*** ***... "(marque de soda bien connue)

    Enjoy, faîtes-vous plaisir.

    Vous vous relevez, une bonne demi-heure plus tard, la face un peu congestionnée mais fier de vous. En reboutonnant votre pantalon vous vous dîtes que vous y êtes allé fort ; mais après tout, elle était là pour ça, elle savait ce qui l'attendait. Et puis c'est un service que vous payez suffisemment cher tout au long de l'année, en engloutissant tous ces sodas qui vous font un ventre pas très sportif mais néanmoins confortable. Et grâce à votre abonnement, le frigo ne désemplit pas... D'ailleurs, vous avez envie d'en boire un, bien glacé, là, tout à coup : ça vous a donné soif tout ça. Et vous vous dirigez vers la cuisine.

    Sur la moquette synthétique, elle ne bouge pas, couchée sur le dos entre le canapé et la table basse du salon ; son visage et ses bras sont tout couverts d'écchymoses, du sang a coulé du coin de sa bouche sur ses joues pâles et sur les coussins. La robe, elle est griffée, déchirée ; mais elle était jetable, de toute façon. Les jambes encore écartées, du sang. Du sang encore, qui a coulé sur le bas de la robe, s'accumulant en petites bulles qui coulent comme la pluie sur les vitres, comme sur la nappe à carreaux quand vous avez tué un lapin pour le repas de dimanche dernier. Elle a les yeux vitreux, elle respire à peine ; à son poignet, le bracelet sur lequel une petite lumière clignote :
    bip, bip, bip...

    Biiiiiiiiiiiip.

    Il faudra que vous pensiez à appeler l'équipe de nettoyage ; et puis, dans la foulée, songer à renouveler votre abonnement...

    Gatrasz.


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  • Tout au long du dernier semestre, une bonne partie de mes cours tournait autour d'un sujet : trouver du pétrole. Interpréter la géologie d'un secteur pour espérer des forages rentables, etc... Et on nous a signalé, de façon très très appuyée, qu'il y avait de magnifiques possibilités d'emploi dans les compagnies pétrolières, avec à la clé voyages au bout du Monde, salaire éblouissant et expériences inoubliables...

    Mais bon, je me demande si c'est bien utile ; je veux dire, si ce n'est pas jeter de la poudre aux yeux grands ouverts des jeunes idéalistes que nous sommes. En effet, dans son for intérieur, chacun sait que le pétrole, ça se trouve en réalité dans le sous-sol (ou en offshore, c'est très classe également) dans les pays gouvernés par une dictature. Qu'elle soit militaire ou économique, peu importe ; aucune différence notable entre les comptes en banque(s) d'un général équato-guinéen, d'un Texan ou d'un émir pétroliers. Miraculeusement, chacun d'entre eux voit les pétro-dollars (ou les pétro-CFA, ça marche aussi) affluer de ses puits et de ses raffineries...

    C'est étrange. On nous aurait menti ? C'est donc le Pouvoir qui génère la Richesse, et pas l'inverse ? Mince alors... En tout cas, moi, je croise les doigts pour que cette vérité n'éclate pas trop vite au grand jour ; le temps que je trouve un emploi, quoi. Et, sincèrement, j'espère qu'on ne trouvera pas bientôt du pétrole au large d'Etretat, de La Rochelle ou dans la rade de Toulon (voire dans les champs pétrolifères de Neuilly, qui sait). Parce que là, ça sentirait le sapin.


    (...même si selon certaines mauvaises langues, on en trouverait déjà en Bretagne ; il est même des extrêmistes pour prétendre que les dégazages et les naufrages de pétroliers rouillés [que personne de sain d'esprit n'oserait affréter, non non non...] seraient en réalité une vaste opération de camouflage organisée en sous-main par les Eléphants, que dis-je, les Mammouths du Pouvoir...)

    Gatrasz.


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  • . Aujourd'hui, j'ai envie de rappeler quelque chose que je trouve fondamental. Il ne faut jamais oublier que le Soleil brille, ou que nous soyons. C'est un principe. Trop souvent, nous n'y pensons pas, nous l'oublions. C'est mal... ;)

    . Parfois, quand il fait un peu plus froid notre petite âme sombre
    (ça, c'est pour moi) et impressionnable se charge d'humidité, comme un ciel d'orage à la fin de l'après-midi ; et lorsqu'elle sature, que cela déborde, elle s'essore. Elle trempe ainsi notre face sensible et l'eau se répend tout autour de nous dans un océan de tristesse. Mais derrière ces nuages gris, le Soleil est là qui attend que l'on pense à lui.

    . Car il est toujours là, plein de sa lumineuse électricité ; l'imposture de nos esprits est de nous faire croire qu'il se cache, et qu'il nous faut l'attendre, les yeux mouillés de larmes avec un brin d'espoir entre les dents. Le Soleil brille à notre portée, sans cesse ; c'est ce petit coeur qui bat la chamade dans nos poitrines, vaillamment qui nous le représente à sa façon. Ce que l'on voit n'est qu'une image, une représentation de ce que l'on veut bien croire ; et si l'on imaginait le Soleil orange, sans doute le serait-il pourvu qu'on y croie un peu...

    . Croyons donc que le Soleil est là ; ainsi nous apercevrons-nous qu'il nous réchauffe déjà de ses bras/rayons, comme une mère veille sur ses enfants, et que sa bienveillance est infinie...


    Gatrasz.


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  •  

    Ce mois d'août fut riche en découvertes ; parmi elles est ce que j'appellerai la "théorie des vibrations cosmiques". Mais bon, je reviendrai là-dessus, car je vous sens sceptique(s)...

    Oui, mais que dirait le plus terre-à-terre d'entre vous, si comme moi il sentait un jour vibrer les pierres à son contact ? Ou bien les racines ? Ou encore...


    G.

     


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