• Gat' 2010

    ...Encore une petite allégorie, plutôt Metal Prog' cette fois ;)


    Gatrasz.


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  • Gat' 2010

    ...Une petite allégorie du Rock Progressif, selon Gatrasz...


    Gatrasz.


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  • Elle avait obtenu son dipôme haut la main, à quelques dixièmes seulement de la perfection ; s'ensuivit une période de grand chambardement dans sa vie. Propositions de la part de compagnies réputées, tentation - éphémère - de fonder carrément la sienne ; déménagement pour la capitale... Elle poursuivait son chemin sans se retourner, fière de ses résultats et ambitieuse dans ses projets ; sa vie sentimentale en pâtissait, en revanche, quelque peu. Pas de nouvel amour, pas de petit ami de passage ou d'appoint. Les occasions s'étaient présentées, certes - mais pas le temps. Une nuit, peut-être deux, elle pleura en repensant à Stévian ; enfin, elle franchit le pas, un soir. Elle avait peu avant interprété une Chimène parfaite - mais sans passion - et ruminait au bar ce fameux 'petit truc qui manque'; le type aurait certainement pu, lui, faire un Cid très crédible vingt années plus tôt. Elle avait consenti à le suivre, contemplé cinq minutes sa collection de livres rares, et finalement détaché sa robe sans autre forme de procès, au beau milieu du salon.

    Le lendemain à l'aube, sortant de l'immeuble en quête d'un petit café, elle se souvenait à peine ; quelques images se superposaient, mélangées, destructurées : le reflet de son corps nu dans la porte vitrée de la bibliothèque, et la figure du quadragénaire qui n'en croit pas ses mirettes. Le tapis moelleux du salon, les draps douteux du lit qu'elle déchire avec ses dents pendant que le type la prend sans douceur -
    sans oser lui faire mal, pourtant. Mais elle y avait trouvé son contentement tout de même, et s'en allait comme une voleuse avec son butin sans attendre le réveil de l'inconnu. Riche d'une nouvelle confiance en soi, certaine surtout - maintenant - qu'elle était toujours aussi belle qu'à l'époque, avec...LUI. Elle pensait qu'elle l'oublierait mieux, à présent qu'elle vivait, autrement ; qu'elle baisait à nouveau...autrement. Et puis en levant la tête, dans le miroir de la vitrine d'une boulangerie qui ouvrait, elle vit tout à coup son visage qui la regardait, la dévorant des yeux : Stevian ! Elle se retourna ; l'individu scrutait à présent la devanture de la boutique, les baguettes et les pains au chocolat tout chauds qui sortaient du four. Non, impossible que ce soit lui : comment aurait-il su ? La suivre ? Mais alors...depuis quand ? Un moment, elle fut tentée de s'approcher, de lui parler pour lever le doute ; mais elle ne se décida pas. Immobile, elle le laissa entrer, acheter son pain en discutant avec la boulangère. Sa voix ? Elena n'était pas bien sûre ; ça faisait bien deux ans... Sur une impulsion, elle se détourna vivement et s'éloigna en courant ; à l'angle de la rue, elle héla un taxi et s'y engouffra, convaincue qu'elle avait fait le bon choix. C'est idiot, pensait-elle ; ma pauvre Elena, tu te sens coupable parce que c'est le premier mec que tu t'envoies depuis lui... Et puis merde, de toute façon, non : ça ne pouvait pas être Stevian !

    Et ça avait continué, encore et puis encore ; à la première d'une de ses mises en scène, d'abord, et à d'autres occasions marquantes. D'autres fois, peut-être... Mais pour Elena, rien n'avait de raison de changer ; elle pensa aller voir un psy, plus tard, s'occuper une bonne fois pour toutes de cette obsession. Il y avait aussi ces mystérieux appels sur son portable, un numéro inconnu auquel elle n'avait jamais répondu. Elle se disait que ce n'était pas arrivé souvent ; qu'on n'avait laissé aucun message... Enfin, avant qu'elle n'ait décidé d'agir, de se soigner ou peut-être de répondre au téléphone, tout s'arrêta. Brutalement.

    Quelque chose en elle commença alors à s'affoler. Pourquoi ? Elle n'avait pris aucune décision, elle n'avait rien vu venir. Encore une fois, le '
    petit truc qui manque' qui la rendait mal à l'aise. Et si... Non, ça ne pouvait pas avoir été lui. Il était parti, ça faisait trois ans ! Mais rappeler le numéro ne coûtait rien ; elle essaya, au bout de quelques semaines. Il n'était plus attribué. En temps normal, Elena en aurait profité pour décider de ne plus s'en occuper. Mais cette fois, sans qu'elle en sache la raison, elle paniqua : s'il était mort ? Elle éplucha les rubriques nécrologiques, les faits divers ; son nom n'était nulle part, mais elle nota les correspondances avec tous les morts non identifiés qu'elle put trouver. Cela ne lui servit à rien : il y en avait beaucoup trop. Elle dut finalement l'admettre, les ongles rongés d'angoisse : s'il était mort, elle n'en saurait rien. Dorénavant, elle n'aurait peut-être jamais plus aucune certitude au sujet de Stévian. Les seules choses qui s'offraient encore à elle - à défaut qu'elle oublie - c'était ce qu'elle refusait depuis toujours : des doutes, des espoirs, ou...des illusions

    FIN


    Gatrasz.


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  • Un lien pour le fond sonore : [The Kinks - Sunny Afternoon]

    (Bon, comme j'ai été un peu plus long que prévu, il y aura 3 parties à ce texte au lieu de 2 ; mais la fin est écrite...presque !)

    Aux yeux de tous, Elena traversa bien sûr une période de vague à l'âme, recouvrant en réalité un fond de souffrance et un profond sentiment d'abandon. Cependant, c'était un peu comme si elle s'éveillait d'un long rêve et que, en fin de compte, elle avait toujours su que cela finirait, précisément, de cette façon-là. Elle ne se rendait pas encore compte qu'il s'agissait juste d'un tour, une façon détournée d'étouffer la douleur et de passer outre ; mieux valait croire, à son avis, à l'omnipotence d'un instinct, d'une prémonition, un pouvoir sur l'avenir. Voilà : elle savait, elle s'était toujours doutée, au fond. Il n'y avait rien d'autre à dire. Rien.

    Cela devait arriver quelque six mois plus tard, juste après la période des examens de fin d'année. Elle avait bataillé un peu plus que prévu pour se maintenir à la tête de la promotion : ses travaux étaient parfois inutilement confus, elle laissait de côté des choses qu'elle refusait d'approfondir ensuite... Il lui avait fallu en dernier recours s'imposer telle quelle, faisant de ses oublis des choix délibérés, sacrifiant des idées brillantes à ses yeux mais pas suffisemment travaillées. Après coup, elle préférait se dire qu'elle n'avait simplement pas eu le temps... Ce matin-là, elle avait déjeûné rapidement d'un café trop fort et d'une poignées de tartines qui lui restaient sur l'estomac tandis qu'elle marchait vers l'Ecole ; peut-être aussi qu'elle angoissait à l'idée que c'était le jour de l'annonce des résultats. Son écharpe sur le nez -
    il faisait encore un peu froid - et les cheveux au vent, elle traversait le boulevard en direction de la petite foule qui, déjà, entourait le panneau d'affichage. Des mines déçues, des cris d'impatience ou de joie : Elena s'arrêta un instant, en marge, comme l'acrobate s'immobilisant l'espace d'une fraction de seconde au point culminant d'une figure - toute une éternité - avant de retomber. Sa respiration s'arrêta, ses yeux parcourant l'espace autour d'elle ; c'est alors qu'elle LE vit.

    Il avait changé, mais à peine : ses cheveux noirs un chouïa plus longs, ses vêtements moins exhubérants -
    exactement comme elle. L'air un peu moins insouciant qu'avant, peut-être un rien de maturité en plus... Un regard durci, mais au fond toujours chargé de cette muette supplique : aime-moi... Comme un gosse qu'aurait mal compris ce que 'grandir' signifie, qui continuerait d'y croire alors même que tout laisse croire que c'est fini. Elle sentit son coeur se serrer, battre un grand coup : la chaleur quittant ses extrêmités affluait vers sa tête, dans sa poitrine. L'émotion menaçait de la déborder ; pourtant elle resista avec l'énergie du désespoir. Non, ce ne pouvait être qu'une illusion : elle savait bien qu'il était parti pour de bon, qu'il n'était pas du genre à revenir en arrière. Bourreau des coeurs, beau parleur, mais trop meurtri par le passé pour accepter d'y fourrer à nouveau son nez - ou son coeur. Elena ferma les yeux : il s'agissait seulement d'un rêve cruel, elle n'était pas complètement réveillée au fond et, quand elle rouvrirait ses paupières, il aurait disparu. C'était un jour important, elle aurait sûrement aimé, s'il était resté, avoir à ses côtés son Stévian pour partager son angoisse, conforter ses espoirs et effacer ses doutes ; c'est humain. Mais l'humain est faible, soumis au doute et vulnérable aux illusions dont le réveil est - toujours - douloureux. Elena, pour sa part, choisit à nouveau de ne pas y croire, pour sa propre sécurité. Aucune erreur possible : Stévian ne s'était jamais trouvé là ; quand enfin elle ouvrit les yeux, effectivement, il n'y était plus.

    (à suivre)


    Gatrasz.


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  • (Dessin : Gat'2006 - j'en ai ch*** pour trouver un vieux truc convenable)
    Pour profiter du fond sonore : [The Jesus And Mary Chain - Head On]


    Elena était en deuxième année dans une école d'art dramatique ; elle rêvait depuis l'enfance de drames et de comédies sur les planches, d'une façade publique et d'une vie privée avec des enfants, un minivan et un petit mari...ambivalent. Stefan était arrivé en cours d'année, suite à une entorse administrative...et une brève inscription dans une école beaucoup plus réputée. Un original, qui partait d'un coup sur une idée, n'importe laquelle et la poussait jusqu'à son terme jusqu'à ce qu'une autre lui vienne. Il avait plus tout de suite à Elena : elle s'était peu à peu mis en tête...oh, pas de le changer, non ; mais de devenir l'exception à sa règle, son point de stabilité, son attache nécessaire et indispensable. Et il avait marché ; en ce sens qu'il s'était mis avec elle, s'affichant avec elle envers et contre tous les autres couples de l'école. Il lui faisait des déclarations sur scène, dans sa chambre il lui faisait ouvrir les cuisses en lui murmurant des fragments de poèmes à l'oreille... Sexuellement, elle prenait plaisir à noter qu'il était un personnage complexe, bourré d'idéaux machistes et de complexes envahissants qui le transformaient en petit garçon quand il se voulait cow-boy, interrompant les rodéos par de grisantes crises de larmes. Ces petits échecs, ses blessures d'amour propre le rendaient aux yeux d'Elena plus attachant, plus précieux, comme un mannequin plein de secrets dont elle seule connaissait le fonctionnement. Elle eût été totalement incapable de l'aider - après tout, c'est bien connu, personne n'y peut rien sinon soi-même, les psys ne sont que des charlatans - mais elle s'imaginait qu'elle savait comprendre les raisons secrètes et les causes oubliées qu'il ne lui racontait pas : c'était son trésor intime, indiscret et saignant comme un coeur amputé qu'on trimballe en secret dans son sac à main. Elle le lui rendait, magnanime, quand il la retrouvait, à la cantine ou dans sa chambre à coucher.

    Depuis le début, elle ne l'appelait plus que Stevian ; il lui rappelait la stévia -
    ce truc qu'ils mettent dans le koka pour remplacer le sucre - parce qu'il était doux, sucré mais sans faire grossir - un amour. Et pourtant pas édulcoré. Elle se sentait tellement mieux depuis lui, plus sereine, plus assurée ; plus puissante. Elle progressait à vue d'oeil, devenant une des actrices les plus calées du cours, se voyait autoritaire et sans concession dans ses mises en scène. La capitale lui ouvrirait bientôt les portes, personne n'en doutait. Stevian... Lui, c'était différent. Il ne progressait pas, restant pareil à lui-même : brillant, mais dispersé, jamais vraiment enclin à persévérer. Quelque chose lui manquait, un souffle, une ambition ; encore un secret qu'Elena se promettait de percer à jour, pour son bien - évidemment. Elle aurait le temps, entre deux scènes, elle promènerait ses doigts de fée sur l'égo endolori de son chéri perturbé, trouverait d'où venait la fêlure ; elle saurait bien l'encourager, le décider, l'affirmer. Déjà, au lit elle avait réussi : elle en avait fait un amant parfait, prévenant, attentif, qui n'hésitait pas, ne débandait plus quand il ne fallait pas. Elle se flattait d'avoir su récompenser ses efforts dans le domaine par assez d'innovation et d'audace - tout ce qu'elle connaissait dans l'art obscur du sexe (entendez par là le produit de ses diverses lectures en la matière) y était passé. Elle voyait à présent chaque partie du corps de son amant comme une terre conquise - elle avait joui d'à peu près chacune. Elle était aussi devenue son unique confidente, s'imaginant ainsi naïvement qu'il lui dirait tout ; à défaut d'être toujours agréable, cela lui permettait de ne pas tomber des nues, d'avoir une longueur d'avance sur les autres. Elle pouvait dire avec un clin d'oeil 'je le savais !' à ses amies quand Stevian annonçait quelque chose, choisissait un thème d'exposé ou un menu au restaurant. Et pourtant, parfois, il la surprenait ; en fait, sur la fin, ça arrivait même de plus en plus souvent. Qu'avait-elle pu foirer, ou simplement louper ? Elle ne le sut jamais vraiment, et cette question devait être la seule à rester douloureuse, sans réponse, même après les années. C'était prévisible, pourtant ; Stévian avait toujours voulu faire du cinéma. C'était le but qui sous-tendait ses choix, ses options, son image aussi. Une passade, pensait-elle ; mais le jour où il lui annonça, dans le plus grand secret, qu'il allait partir rejoindre un tournage et laisser tomber l'Ecole, Elena tomba momentanément de son piedestal de certitudes. Quand elle fut certaine que sa décision était prise, qu'il allait partir, elle pleura - sans résultat notable. Il pleura aussi mais - pour une fois - persista.

    _
    Je reviendrai, tu sais...
    _Menteur. Tu coucheras avec la prochaine, et puis la suivante, et tu continueras sans te retourner. C'est ça que je sais.

    Il ne répondit rien ; mais un matin, comme elle se réveillait après une courte nuit, encore toute imprégnée de son odeur à lui, elle trouva juste une lettre sur le côté du lit. Les mots autant que la douleur lui arrachèrent des larmes ; la colère aussi, un peu. Déployant des trésors d'éloquence qu'elle lui connaissait à peine, il lui disait qu'il l'aimait, qu'il reviendrait ; mais en filigrane restaient ces mots qui lui restaient en travers de la gorge :
    je pars. Alors, assise en tailleur, nue sur son lit au milieu des draps froids, elle décida qu'il ne reviendrait jamais.

    (à suivre)


    Gatrasz.


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