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  • S. monta dans le T.E.R. juste avant que l'agent de la SNCF sur le quai ne siffle le départ. Choisissant soigneusement sa place, à l'écart de tout le monde, il déposa sur la moquette son sac gonflé à bloc et s'assit dessus. Il n'y avait rien d'intéressant dedans ; juste du linge sale et quelques affaires dont il ne se séparait jamais. Docilement, il tendit au contrôleur son billet au premier passage ; ensuite, les écouteurs vissés sur les oreilles, il bascula dans une douce rêverie. Deux heures et demie de trajet... Après un certain temps, il ne perçut même plus les autres voyageurs ; entre les solos de Steve Harris et Dave Murray, il sentait quelque chose, comme une sorte de vent froid, monter du sol à travers ses jambes, le strapontin, dans ses mains posées sur les accoudoirs. Une force étrange, anesthésiante ; il se laissa faire. Ses bras, ses jambes, sa tête n'existaient plus. Son coeur lentement s'estompait, les battements se faisaient plus doux, plus rares...et Pffuit !

    Lorsque la vieille dame, assise un peu plus loin, s'aperçut que S. n'était plus là, elle pensa qu'il était allé aux toilettes ; peut-être même qu'il y fumait, le petit sagouin ! Mais quand le contrôleur, pris d'un doute, voulut vérifier, l'horrible vérité apparut bientôt : S. ne se trouvait plus dans le train... On fit des recherches sur la voie, on démonta le train pièce par pièce. Peine perdue. On ne retrouva jamais S., et ses affaires furent renvoyées à sa famille...

    De l'autre côté de la vitre, S. tapait de toutes ses forces avec ses poings pour se faire repérer. Il avait aussi essayé de hurler ; mais personne ne pouvait plus l'entendre. Il avait cédé à la tentation du poisson rouge, il avait lui aussi voulu sauter hors du bocal pour voir si ce qu'il imaginait existait vraiment de l'Autre Côté. Et il n'y avait rien, en réalité... Bientôt, une autre vérité le fit taire, pour toujours : dans le Néant, on ne peut ni errer ni se morfondre. On n'est plus ; ou plutôt si : on est...le Néant. Pffuit !

    Gatrasz.


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