• Rêverie Au Jardin Japonais...


    (Conte d'un sado-masochisme ordinaire)


    Je vais le soir, désemparé, traîner mes bottes dans les quartiers glacés de la ville obscure. Les yeux exorbités sous ma casquette vert-d'eau, je me glisse entre les nappes de brouillard gras et brun comme un poisson dans un étang glauque. Comme lui je suffoque et je balbutie quelques cris de terreur inaudibles, fasciné par les lumières qui surnagent. Les lampadaires sont des lotus flottant à la surface, trop haut pour que je puisse souffler leurs bougies électriques. Vampire urbain, je me nourris de ceux que je croise, plantant mes petites dents de brochet au regard révulsé dans un cou, dans une épaule ou un bras froid, humide de la rosée de la nuit. Des corps imbibés de whisky rencontrés dans une bulle de lumière blafarde ; des créatures qui ne verront plus jamais le jour. Mon forfait accompli, j'essuie mes lèvres et je m'en vais disparaître entre deux eaux : j'ai un peu honte, mais j'ai si faim... Parfois, je redoute de me faire mordre à mon tour par un petit poisson fou, du désespoir plein les mirettes. Je le sens, je la sens tourner autour de moi, je l'entends suffoquer - je suis déjà hypnotisé par sa petite toux rauque. Sa grâce féline et la vivacité de ses mouvements m'empêchent encore de voir ce petit corps assurément frêle qui, inlassablement, tisse autour de moi sa toile de désir. Un soir où je ne me méfierai pas, je me retrouverai couché sur le pavé, barbeau capturé sur le fond de galets, emmêlé dans sa vase et poisseux de ses gourmandes bouchées. Qu'elle me mange, après tout, je ne serai pas en reste. Œil pour œil et peau contre peau, nous nous nourrirons l'un de l'autre, juste assez pour ne pas se faire trop mal. L'obscurité ne nous fera plus peur, mon cœur y sera dans ses mains comme un œuf ; frémissant, prêt à éclore d'une vie nouvelle. Petit poisson futur aux yeux touts blancs, aveugle né pour les bas-fonds dont le royaume, Monde de la Nuit, n'aura pas de fin...

    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Lundi 5 Janvier 2009 à 05:15
    Poissons les draps...
    ...plutôt que de rester dehors à se l'écailler ! :~) (magnifique texte, accessoirement)
    2
    Lundi 5 Janvier 2009 à 07:47
    'lut Tant-Bourrin !
    Lait caillé ? Ferme en thé, j'espère ! ;-)
    3
    Lundi 5 Janvier 2009 à 07:48
    Au fai, T-B...
    ...merci !
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    4
    Andiamo
    Mercredi 7 Janvier 2009 à 17:12
    ça queute !
    J'avais posté un com. hier, il est passé à la trappe ! En tout cas ce texte (splendide) me laisse muet comme une carpe.
    5
    Cousin
    Mercredi 14 Janvier 2009 à 21:59
    Dans la ville basse
    Néons clignotant, flipper, bières. Quelques rires, une parole. L'étincelle divine, là. Un sourire sur mes lèvres.
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