• [Evasion...] (3/3)

    Fond sonore : [Hawkwind - Down Through The Night]

    III - Le Gaucho mis à mort

     

    Dans son appartement régnait une ambiance latino sympathique ; elle s'en sortait visiblement plutôt pas mal. L'éclat solaire d'un lampadaire, par la fenêtre ouverte, alluma joyeusement son armure minimaliste : elle chatoyait, le corps doré, quasiment nue.

    "Déshabille-toi !" , lâcha Isadora Pizarriñha Cortés en déposant ses gants sur la tablette. Je crus, à tort, qu'elle voulait en finir vite, et je m’exécutai. Elle déambulait avec classe entre les meubles, oscillant des hanches, comme à la recherche d'une idée cachée quelque part. Puis elle pivota sur les talons, pointa furieusement sa cravache dans ma direction :

     

    "Comment tu t'appelles ?

    -Hernàn Gaucho Cristadobal...

    -Il suffit ! Pour moi tu seras Gaucho. Mon cheval !"

     

    Elle me jeta théâtralement une peau de bique ; j'en drapai mon corps nu et me mis en situation de galoper autour du salon. Elle sauta sur mon dos, criant et cravachant comme si elle avait eu aux trousses toute l'armée de Moctézuma. La pièce devint notre Tenochtitlan de  fantasme, et la bave aux lèvres, les yeux fous, je jure bien avoir entendu les cris des guerriers aztèques que ma cavalière aux boucles dorées dégommait, transfigurée, à coups de hurlements barbares. Les chaînes qu'elle avait aux cuisses et à la ceinture battaient mes flancs pendant notre escapade ; et quand vint le moment de porter l'estocade, elle me saisit par les cheveux en s'exclamant : "Amor !"

     

    Puis elle m'étala au sol, m'enjamba, s'empara de moi. Mon épée s'en fut, happée dans ses hanches fantasmagoriques : j'étais perdu. La cavalcade était encore plus furieuse à présent, ses ongles m'arrachant la peau, les échardes meurtrissaient mon dos. Les cris sauvages et gutturaux de ma cavalière, son allure féminine si fière, comme un chef de guerre, tout ça me transportait. Elle était belle, me mettant à mort ; mais elle ne pouvait pas savoir. Le plaisir la gagnait, et son ondulation se faisait plus féline ; je partais lentement, le cœur rompu par la manœuvre et désolé de l'interrompre en son œuvre. Au moins eut-elle le temps de jouir, brutalement ; puis elle dut lire la mort dans mes yeux d'enfant délirant et comprit, bien trop tard, l'inanité de sa conquête. Quant à moi, je quittais la fête : mais le cadeau que je lui laissais lui rappellerait longtemps son esclave-cheval d'un soir. Immortel sans vraiment le vouloir, je me réincarnerais dans son ventre et serais, neuf mois plus tard, suçant son sein comme un soudard. Petit bâtard, cherchant son salut dans une fuite en avant reproductive, bonds temporels...à la dérive. Un jour peut-être dans mes yeux, sale moment, elle reconnaîtrait alors son amant. Drôle de maman...

    FIN 

     

    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Mardi 27 Mars 2012 à 05:29
    Wow !
    Je viens de lire les trois épisodes à la suite (je n'aime pas les histoires à suivre !) et je reste encore une fois scotché... A quand un recueil de nouvelles ? :~)
    2
    Jeudi 29 Mars 2012 à 21:44
    @T-B :
    ...ah, si je savais comment m'y prendre... C'est vrai que j'aurais de quoi ! :)
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