• [Evasion...] (1/3)

    Fond sonore : [Hawkwind - The Psychedelic Warlords]

    I - El Dorado Dirty

    Le milieu de l'avenue était sombre ; c'est là que je marchais, dans l'ombre, anonyme regard avide des lumières jaillissant à flots continus des échoppes, sex-shops, épiceries en self-services et laveries automatiques aux murs carrelés brillants comme un glacier en plein midi. Il n'y avait plus qu'une succession de carrés lumineux, sur lesquels se découpaient, parfois, la silhouette si naturelle d'une racoleuse perchée sur ses talons télescopiques. Le bruit parvenait en flot, cris et coups de klaxon surgissant comme un poisson qui saute et puis qui replonge, dans un rejaillissement d'éclaboussures sonores. Le sermon des prêcheurs se mêlait aux appels des prostituées appâtant le client, qui sous une enseigne obscène, qui sous une croix de néon scintillant, tic-tic... Je laissais la ville dans mon dos, mes chaussures plus rapides encore que la vieille Cadillac 'Eldorado' qui m'avait mené là.

    Je m'étais fourvoyé, il y a trop d'années de çà, et je n'ambitionnais plus que me perdre aussi loin que possible de tout ça. De mon cœur il ne restait plus grand chose ; une petite provinciale l'avait croqué pour mieux s'intégrer au milieu. Tu verras, disait-elle, sans cœur tu vivras mieux dans cet univers. C'était vrai pour elle, apparemment ; pour moi non. Le souvenir des sentiments perdus m'obsédait, me triturait, et au fond je sentais la brûlure du palpitant fantôme. Mal cicatrisé sans doute, j'avais essayé de cautériser mais, peine perdue, même nos nuits n'était plus assez chaudes pour me brûler. Elle s'était finalement désintéressée de moi et de mes regrets infinis pour lorgner vers une vie plus adaptée à sa nature sentimentale particulière ; et j'étais parti par la grande avenue, les mains dans les poches et la casquette vissée au-dessus des yeux. Traversant les quartiers du vice à l'heure de pointe, j'eus quelques suées ; mais je refusai poliment les avances de Madonna, j'écartai gentiment Lady Gaga et même un sosie de Frank Zappa. Le bout de la Route de la Perdition s'approchait ; je bifurquai soudain dans une ruelle, pour m'éclipser plus commodément par les voies parallèles.

    (à suivre)

     

    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Mardi 20 Mars 2012 à 11:22
    Et oui...
    Le sosie de Marie Laforêt à trente ans... Je n'aurais pas résisté, même pas une nano seconde ];-D
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