• Trois Tueurs... (3ème Partie)

    [Frank Black - Robert Onion]
    III - LE MARIAGE

    Les semaines suivantes, nous étions restés sur nos gardes ; mais rien n'était arrivé. Deux assassins sur trois hors de combat, c'était probablement suffisant et le dernier avait sans doute préféré disparaître dans la nature. D'ailleurs, c'est justement la nature qui prit l'avantage dans le classement des préoccupations de tous, avec des pluies torrentielles qui provoquèrent de nombreuses et terribles crues. Ces intempéries ne surent cependant nous détourner complètement de ce qui à ce moment nous occupait à plein temps, à savoir les préparatifs de notre mariage. Depuis longtemps il était prévu pour cette période, et nous n'avions pas jugé nécessaire de le repousser pour une raison qui semblait de plus en plus mince ; surtout sachant la tournure que les choses avaient pris la dernière fois. En bref, nous pensions raisonnablement avoir réglé le problème de façon définitive.

    La cérémonie se déroula tout à fait bien ; les objecteurs se turent à jamais, et nous entreprîmes de fêter l'évènement à la mesure de notre bonheur - c'est à dire sans limite. Nous avions pour cela réquisitionné la maison familiale d'amis qui possédaient, aussi, un jardin capable d'accueillir une cinquantaine de personnes joyeuses, des tables garnies de boissons et de la musique sans que des voisins y trouvent à redire... L'arrivée sur les lieux fut un peu perturbée par le fait que le chemin coupait un ruisseau en crue, le passage à gué s'avérant peu différent de l'apnée pour les véhicules les plus bas ; les moteurs noyés et les véhicules embourbés provoquèrent pas mal d'activité et de désordre pendant les préparatifs de la fête. Vers dix-neuf heures pourtant, comme l'obscurité tombait, tout était à peu près rentré dans l'ordre et chacun s'affairait à passer une soirée mémorable et à rencontrer les nombreuses têtes inconnues qui se croisaient ici pour la première fois. Il y avait des gens de toutes générations et de toutes origines, et pour tous les reconnaître il y aurait fort à faire. J'aurais par exemple été bien en peine d'identifier le type souriant, avec une casquette, qui m'offrit une bière vers vingt et une heures tandis que je passais près d'une des tables du buffet... Je la confiai à mon ami Jacques car j'avais un discours à faire ; puis j'interrogeai Mélanie en privé, soucieux de ne pas passer pour un goujat.
    « Non, il ne me dit rien », assura-t-elle quand je lui eus sommairement décrit le bonhomme ; cette réponse me laissa perplexe. Diable, je le connaissais pourtant... Soudain, je me sentis blêmir alors qu'elle me fixait avec des yeux inquiets ; je revoyais ce sourire qui n'en était pas un, cette physionomie impassible, ce visage carré... Je l'imaginai rapidement sans casquette, vêtu de noir, dans une situation bien différente...c'était lui ! Le chef des trois meurtriers qui m'avaient attaqué par deux fois ; déguisé, dissimulé parmi les invités et profitant de l'obscurité relative pour passer inaperçu...

    Je me souvins brutalement de la bière qu'il m'avait offerte, puis de Jacques.
    « Ne bois pas ça ! », criai-je en le retrouvant tout à coup, la bouteille au bord des lèvres. « Tu tombes bien, s'esclaffa mon ami, j'allais oublier que c'était la tienne... » Il hoqueta de surprise en me voyant la vider prestement dans l'herbe, mais je l'entraînai à ma suite à la recherche de l'individu en lui expliquant la situation. Comme il savait ce qui m'était arrivé, il comprit ; et nous passâmes les invités aussitôt en revue. Il ne nous fallut pas longtemps ; l'homme évoluait en marge du groupe et surtout des lumières, et c'est ce qui le trahit. Je poussai un cri en le voyant s'échapper vers le chemin, et partis à sa poursuite en entraînant plusieurs autres convives avec moi. Le tueur avait pris de l'avance, mais pris dans le faisceau des lampes que nous braquions sur lui, il devrait bien s'arrêter au niveau du ruisseau en crue. Tenter de traverser eût été, incontestablement, une folie... Se voyant pris, il hésita pourtant ; puis il revint vers nous à contrecœur.
    « Attendez... »
    C'était trop tard. Nous étions tous d'accord ; il fut saisi au collet, roué de coup et précipité, inconscient, dans les flots déchaînés. Un instant, il tourbillonna à la surface dans la lumière des lampes électriques, puis disparut définitivement. C'était fini.

    Du coup, débordant d'allégresse, nous partîmes en virée dans les environs, chantant à tue-tête ; même Mélanie, un peu ivre, s'était jointe à nous. Il nous fallait expulser la joie, le soulagement de cette libération par un quelconque moyen. Le saccage d'un supermarché voisin nous calma un peu. Errant parmi les rayons ravagés, riant tout seul, couvert de farine et de peinture, je me sentis vaguement béat ; trébuchant sur des boîtes de gâteaux éventrés, je songeai qu'il en fallait peu finalement. Pour faire basculer une vie. Sans raison...

    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Jeudi 14 Février 2008 à 13:40
    Salut Gat'
    Voilà une de ces histoires qu'il faudrait mettre sur pellicule :-) Super chanson !
    2
    Jeudi 14 Février 2008 à 13:55
    Super
    Mariage pluvieux : mariage heureux mon cul q:^) Tendu et suspensu en diable !
    3
    Inno
    Jeudi 14 Février 2008 à 22:12
    un ti coucou
    parce que ça fait un bail ^^ Bisous fruités
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