• Fond sonore : [The Black Angels - Manipulation]

    (Et encore, et encore...)

    Gatrasz


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  • Pour ceussent qui ne m'ont pas suivi sur Facebook, juste un petit couple de liens vers deux textes écrits pour une opération de publication sauvage sur le Oueb par l'ami (défunt ?) Andy Vérol. Alors, il faut vous y attendre, c'est un peu plus 'dur' que ce que je publie ici en général. Une autre facette, quoi. A vous de voir si ça vous intéresse...


         -1er texte :    Autodafé 14 : (Défonce en liquides)
         -2ème texte : Autodafé 50 : (Quelques choses à foutre)
     

    Gatrasz.


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  • Fond sonore : [Alice In Chains - Your Decision]

       

    La ville était bruyante et lumineuse ; elle s'étendait autour de moi, mouvante et centrée sur ma petite personne ; robe de mariée géante se refermant sur sa promise, son butin, sa proie. Elle allait me bouffer, cette ville, j'en étais sûr. Sans doute, ç'aurait pu être Macao, à cause de tous ces asiatiques et des indications murales en portugais. Le Macao d'avant la rétrocession, ou bien une enclave oubliée, un trou béant donnant sur le passé mal digéré d'une vaste cité du vice... De toute façon, j'étais déjà bien trop saoul pour m'en souvenir.

    Je pris soudain conscience de la forme qui s'agitait doucement au bar, près de moi. C'est à dire, je savais qu'elle s'était assise là, mais mon regard déconnecté plongeait alors dans des réalités tout autres : je naviguais sur une vague de souvenirs baignée de nuages éthyliques, j'étais pour ainsi dire coincé entre deux mondes superposés, entre l'écran et la rétine, et sur la paroi de la caverne défilaient les pensées tristes d'un paumé qui sent bien qu'il s'en va, l'air de rien. J'aimais bien. Pourtant, je vis tout à coup sa main, comme celle d'un enfant qui essuie la buée sur les vitres. La brume se dissipa, m'échappa des mains et en même temps que le brouhaha submergeait à nouveau mes tympans, l'image redevint nette. Elle m'aguichait de ses grands yeux noirs aux cils mordorés ; et direct, je sentis mon coeur exploser dans ma poitrine. Sa peau d'ambre sucrée, épicée, sentait le désir comme une excitante sueur et appelait mes doigts, ma bouche, mon corps tout entier s'allumait de l'envie d'y goûter. Rien qu'une fois, c'est promis... Ou peut-être deux, trois. Mais mon coeur H.S. refusait tout démarrage  et toute effusion, l'amour n'était depuis longtemps plus qu'un rêve et le sexe, un mythe. Un interdit automatique : "Tu aimes ? Alors pas touche". Elle sussura quelques mots, invite ou bien commentaire banal ; peut-être même une remarque moqueuse, que sais-je ? Je n'entendis pas ses mots, mais ils signifiaient les étoiles dans ses yeux mystérieux, le désir, les draps humides, les cris essoufflés d'amants avides qui se découvrent, insouciants. Mais ça, l'insouciance oui, c'est précisément ce que je ne voulais pas. Je devais continuer d'avoir mal à en crever, c'était écrit quelque part : sans doute là où le Destin peut lire et nous faire ensuite réinterpréter ces mots, pythies occasionnelles que nous sommes, en attente perpétuelle de sens à leur message intérieur brouillé.

    Le cerveau ruiné par la surabondance de parfums enivrants de femme et d'alcool de riz, je montai péniblement jusqu'à ma chambre. Regrettant presque d'avoir décliné l'offre, manifestement tarifée et pas vraiment légale de cette toute jeune croqueuse d'hommes, je m'allongeai sur le dos, les bras croisés sous ma tête et mon estomac faisant d'inquiétant remous. Non, l'amour décidément, j'en avais oublié le goût ; et je n'avais plus très envie d'y mordre. C'est-à-dire, baiser, ça j'en aurais eu envie, mais une envie dégueulasse. Une espèce de désir brutal, colérique, vengeur. Je l'aurais fait comme on tabasse le premier venu, avec hargne, déchargeant sur un foutu prétexte humain tout ce que les autres n'ont pas voulu prendre et qui est resté là, pourrissant dans ma tête comme un parasite vicieux. Une obsession. Un vieux fantasme de cruauté perverse, et la volonté de se fatiguer, de s'épuiser comme une source chargée malgré elle d'une eau sombre et funeste, irradiée par la centrale atomique d'un coeur qui flanche. Comme s'éclater à un vrai bon concert, mais sur quelqu'un. Lui pogotter sur la tronche ou plutôt, dans ce cas, sur son joli cul (j'imagine). Et abîmer cette petite nana, non, très peu pour moi. Je préférai punaiser délibérément son image dans mon ciboulot en désordre ; là, juste derrière les yeux, pour la voir toujours, en superposition sur le paysage. Tu vois, mais tu ne touches pas. Une adoration secrète, sublimée, muette. Comme une punition pour de vieux péchés oubliés mais toujours noirs comme l'ombre d'un Diable. Sacrifier volontairement la plénitude du sexe et se condamner, au moins pour un temps, aux amours platoniques et cruelles de ceux qui ne savent pas choisir, ou ne veulent plus. Retrait quasi-définitif des sensations extérieures, juste le pourrissement du coeur qui continue, devient l'institution par excellence, le dogme.

    Assourdi de silence, je me levai dans l'obscurité pour gagner la fenêtre ; la nuit pleine de lumières m'atteignit en plein front, faisant de moi une sorte de fantôme pâle, chevalier de néon s'imposant l'amour de l'inaccessible, en lieu et place de ce qu'il a perdu. J'avais envie d'y sauter, par cette fenêtre ; de tester l'impression de chute, l'asphyxie de la vitesse et peut-être, qui sait, le cisaillement des câbles électriques ou de la corde à linge. Il suffisait d'un mouvement ; même pas, juste d'un laisser-aller. Mais non, c'eût été trop facile. J'aime me compliquer la tâche, parfois... Après tout, me dis-je enfin, je n'étais pas si seul : j'avais encore une bouteille avec moi. Je la levai lentement dans les rayons de Lune et d'enseignes clignotantes ; puis je l'approchai de ma bouche et je bus, longuement, lentement, avec Amour.

     

    Gatrasz.


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  • ...extrapolé d'après 'Bad Lieutenant' (Abel Ferrara, 1992), un film à voir...


    Il est tard ; les reflets de la vieille télé scintillent dans le fond des verres éparpillés devant lui sur le zinc. Les maillots colorés des joueurs et le whisky sans glace font un genre de stroboscope du pauvre sur le bar, et il fixe son verre comme un vieillard qu'aurait plus sa tête. Il écoute ; à travers les coups de gueule et les voix geignardes, il distingue à peine les commentaires enfiévrés du speaker. Il se concentre. C'est qu'il a parié sur cette saloperie de match, parié gros, il joue même ses putains de dettes... Forcément, le boucan est insupportable ; forcément, il arrive à peine à boire tellement il tremble. C'est le moment critique : Ramirez va lancer sa balle. Il frotte ses mains l'une contre l'autre, il se chauffe. Sur son tabouret, lui fait de même ; un peu par mimétisme, un peu par superstition aussi. Comme il n'a plus rien que ce match, il l'accompagne, il le peaufine, même à travers l'écran. Il est dedans.

    Strawberry lève sa batte derrière son oreille ; il s'accroupit, sautille comme un poussin qui ne sait pas encore voler. Il faut qu'il la chope ; sinon, lui, il se fera choper. Au sortir du bar, c'est comme si les Enfers s'ouvraient sur sa petite vie de merde, gâchée par la bouteille et le pari mutuel. Il est grillé comme un moucheron sur une lampe, si Strawberry foire son coup. Il y a pensé toute la journée ; pourtant, Dieu sait qu'il avait autre chose à faire. Mais tout y revenait, toujours : les camés, les putes, même les nonnes avaient Strawberry tatoué sur le front. Elles n'avaient que ça à la bouche, elles bavassaient, suçaient ce coup de batte qui ne pouvait pas ne pas venir. Il ne pouvait pas : toute la merde du Monde y avait conspiré. Toute la haine de la Terre dans ce coup, tout son coeur révolté contre le système, contre la vie, contre sa propre connerie. Il se le serait bien pris dans la gueule, ce providentiel coup de batte.

    Et puis il y a la balle ; et il y a Ramirez. Il la polit, la balle, il la fait sauter dans sa main comme un putain d'oeuf dur. Un oeuf avec des coutures ; un oeuf rond comme les rondeurs d'une femme. La douceur, le bonheur, le plaisir et le sexe, tout ça dans cette petite chose blanche et ronde. La frustration. La superficialité aussi ; les coutures, ça, c'était pas naturel. Ce que Ramirez pelotait dans sa main, c'était pas le sein d'une vraie femme : juste une imposture de magazine, une nana refaite, une poupée vaudoue bourrée de malédictions jusqu'à la gueule, jusqu'au trognon. Il fallait qu'il l'explose, Strawberry. Qu'il la démonte, qu'il la bousille, qu'il révèle à la face du monde toute sa fausseté infâme, son mensonge merdeux et répugnant de pureté contrefaite. Qu'elle craque aux jointures sous son coup de boutoir, déchirée comme un vieux rideau de claque, fendue, percée. Déflorée.

    Lui, il met tout son coeur dans le coup de batte ; tout son Amour. Celui qu'il ne sait plus donner à sa femme, au point que tous les deux baisent depuis longtemps ailleurs. Celui qu'il accumule et qu'il transforme en rage ; il a plus d'Amour en lui que tous les foutus catholiques/moralistes de la planète - et pourtant il en fait partie. Et cette force, cet espoir, il met tout ça dans un bout de bois qui sautille à l'autre bout du pays, entre les mains d'un bonhomme qui transpire et qui doute. Tiens-la ferme, mon gars ! Garde-la dure, les deux mains collées au manche, y'a que comme ça que tu l'auras. La rate pas, bon sang, la rate pas...

    Et puis l'instant de grâce : la balle qui s'envole, qui décrit la plus gracieuse des paraboles ; la caméra zoome au maximum pour ne pas la perdre, à vous coller la nausée. Tout est suspendu, le Temps, l'Enfer, les nonnes, le whisky ; et puis la gravité reprend son cours, l'estomac redescend et la balle avec. Droit sur le receveur, on distingue ses mains ouvertes : Noé receptionnant la colombe. Et puis non ; tout à coup, un mouvement, une ombre, et la balle s'écrase sur la batte de Strawberry. S'applatit comme un oeuf au plat. Autre instant flottant : va-t-elle éclater ? Non ! Elle rebondit. Droit sur l'écran, à travers l'espace et le temps.

    Dans la salle du bar, on a dû relever le type : il était mort. Au milieu de son front, outre un air de stupide étonnement, un trou rond ; de la forme et de la taille d'une balle de baseball. Ce qui s'est passé ? On ne veut pas le savoir ; on le flanquera dehors avec les poubelles, et voilà tout. Fin de l'histoire, et tout le monde s'en fout.


    Gatrasz.


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  • Bon, voilà que...je ne sais pas quoi faire. C'est pas que je sois trop souvent ici, et que je doive me limiter. Non. C'est pas que la censure m'écrase non plus, on ne m'a jamais ennuyé avec ça. Faut dire, je fais gaffe, je suis même assez parano : vous avez échappé à un tas de trucs abominables, sous prétexte que je ne voulais pas qu'on me retire le bénéfice de cette page somme toute assez tranquille. Je suis bien, là, à faire mes petits dessins, mes gribouillis à tendance verbiage sans signification bien marquée. En fait, quand ça a trop de sens...c'est là que je me dis NON Je me sens bête après coup, frustré, amputé ; mais chez moi l'autocastration commence à devenir une habitude. Je tranche et je coupe, je ne veux pas être vu, cerné, disséqué de travers et interprété sur les prélèvements immondes des déchets de mes productions ratées. Je ne sais pas. Il va bien falloir que je balance, un jour, ça ne peut plus durer. Informe, protéiforme, sinueux, inconsistant, fumeux comme un poulpe imaginaire qui rêve de son pouvoir fondu et maladif. Une excroissance egotique et spectrale qui me fait peur par son insignifiance bornée et cruelle... Je pourrais y donner un sens, hein, quitte à ce que ce soit le dernier avant l'expulsion ?

    J'ai eu une idée, ce matin ; c'est la troisième idée de post qui germe et s'éteint comme une chandelle mouillée depuis la dernière fois. Qu'est-ce qu'il y a comme pertes... C'est mieux, je crois. Sinon vous crouleriez sous les insanités (petite pause : je me fais à part un minuscule fichier texte où j'écris consciencieusement ces fantômes d'idées, de peur d'oublier que je ne les ai pas achevés) ; enfin, maintenant, je vous envoie dans le fond des yeux ce qui reste : ce matin, je regardais une bande-annonce, ça s'appelait : BUNKER (et pas LE BUNKER mais l'idée vient de là). Et j'ai eu une idée, un film d'horreur, un thriller, enfin un truc inclassable, innommable comme j'aime, une histoire d'amour - pardon, un plan cul - dans un tunnel plein de fantômes aigris, une tranche d'horreur dont les personnages ressortent vidés de la même manière qu'un gant qu'on retourne. Toujurs vivants, toujours là, mais dépossédés d'une chose qu'ils auraient tellement voulu garder, pleins d'un vide qu'ils voudraient effacer pour jamais. Pourquoi ça me tombe toujours dessus, ces trucs là, je me le demande. Je devrais être heureux, à vrai dire je le suis, même ; alors quoi ? A l'extérieur ça ne se voit pas, ça ne s'est jamais vu. Personne ne sait à quoi je ressemble quand je suis content, merde alors, comment faire ?


    Gatrasz.


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