Elle est là, pimpante, devant votre porte, un peu tremblante dans sa robe serrée, brillante ; elle tâche de faire bonne figure, elle polit son sourire...
Vous éteignez votre écran lorsque retentit le carillon ; il est trois heures de l'après-midi et ça ne vous met jamais vraiment de bonne humeur d'être dérangé au milieu d'un film... Vous rebouclez votre ceinture rageusement, vous demandant ce qu'on peut bien vouloir vous vendre : télévision, micro-ondes nouvelle génération, 4x4...tiens, ça ne serait pas mal, songez-vous, qu'un tirage au sort quelconque vous attribue un nouveau 4x4, vous commencez à vous lasser du pick-up de l'année dernière et tout le monde vous a déjà vu avec. Une ombre derrière la porte vitrée, comme on sonne encore vous grognez "ça va, ça va..."
; puis vous saisissez la poignée et, la chemise à moitié rentrée dans le pantalon, vous ouvrez...
Elle se tient devant vous, déhanchée au maximum, et elle vous débite la phrase apprise par coeur ce matin ; le poignet cerclé d'un petit bracelet rouge, elle tient à la main une canette de soda, prenant garde de ne pas cacher la marque avec ses doigts fins et manucurés. Son sourire est éblouissant, comme de juste, et elle fait de gros efforts pour le conserver tout en parlant. Ses cheveux blonds platine descendent de chaque côté de son visage en longues vagues soyeuses, légèrement ondulées, jusqu'à venir flirter avec ses épaules nues et délicatement bronzées, un bronzage certes artificiel mais tellement parfait. Lorsqu'elle respire, ses seins comprimés par une robe taillée exclusivement à cet effet semblent vouloir jaillir loin de sa poitrine, gonflés à bloc ; le travail a décidément été bien fait par un Chirurgien-Artiste-Star, un virtuose de la plastique. Sous la taille tout aussi serrée, des hanches larges, à peines recouvertes par ce court vêtement "tout plastique" blanc brillant portant, en rouge, le message qu'elle vous répète de ses petites lèvres gonflées : "Cette poupée vous est offerte par C*** ***... "
(marque de soda bien connue)
Enjoy, faîtes-vous plaisir.
Vous vous relevez, une bonne demi-heure plus tard, la face un peu congestionnée mais fier de vous. En reboutonnant votre pantalon vous vous dîtes que vous y êtes allé fort ; mais après tout, elle était là pour ça, elle savait ce qui l'attendait. Et puis c'est un service que vous payez suffisemment cher tout au long de l'année, en engloutissant tous ces sodas qui vous font un ventre pas très sportif mais néanmoins confortable. Et grâce à votre abonnement, le frigo ne désemplit pas... D'ailleurs, vous avez envie d'en boire un, bien glacé, là, tout à coup : ça vous a donné soif tout ça. Et vous vous dirigez vers la cuisine.
Sur la moquette synthétique, elle ne bouge pas, couchée sur le dos entre le canapé et la table basse du salon ; son visage et ses bras sont tout couverts d'écchymoses, du sang a coulé du coin de sa bouche sur ses joues pâles et sur les coussins. La robe, elle est griffée, déchirée ; mais elle était jetable, de toute façon. Les jambes encore écartées, du sang. Du sang encore, qui a coulé sur le bas de la robe, s'accumulant en petites bulles qui coulent comme la pluie sur les vitres, comme sur la nappe à carreaux quand vous avez tué un lapin pour le repas de dimanche dernier. Elle a les yeux vitreux, elle respire à peine ; à son poignet, le bracelet sur lequel une petite lumière clignote : bip, bip, bip...
Biiiiiiiiiiiip.
Il faudra que vous pensiez à appeler l'équipe de nettoyage ; et puis, dans la foulée, songer à renouveler votre abonnement...
Gatrasz.
je t'embrasse, pluvieusement aujourd'hui