• (Produit verbalisé fortement alcoolisé sous caution géologique associative)

    Je ne suis plus tranquille ; jusque dans mes rêves ils m'écoutent. Ils ont placé des micros entre mes méninges, mes délires nocturnes passent en radio sur les fréquences confidentielles. Ils savent ce que mon inconscient complote, ils me connaissent comme personne [même moi] ne me connaît. Mes moindres pensées leurs sont connues, mon esprit leur apparaît à nu. Mes rêves font fantasmer la Brigade des Stup', mes cauchemars font clignoter la lumière rouge aux Renseignements Généraux. Je ne dors plus ; je conspire quand tu transpires. J'expire quand tu respires. Et ils retiennent leur souffle...

    Gatrasz.


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  • Dessin : à défaut de yéti, un autre de mes fantômes...

    En ce moment, je sens qu'il y a un yéti dans mes pas. Un Abominable Homme des Brumes de mes pensées tortueuses, comme la pointe mouvante d'un iceberg. Il s'approche, il renifle ce petit Gat' de rien du tout qui l'a réveillé ; quand je m'assoupis je l'entends même un peu murmurer. Mais quand je me retourne et que j'ouvre les yeux, il n'y a rien. Il est là pourtant. Je le sais ; je peux presque sentir ses mains grises sur mes épaules, ces paluches gigantesques qui pourraient me broyer s'il lui en prenait l'envie. Ses yeux sont blancs, avec des ombres sur les bords ; il a le regard vide car ce qu'il voit est sans consistance. Il me regarde, moi bien réel dans son univers de spectres, en couleurs dans son film tout en tonalités de noir. Aux frémissements de ses doigts, je peux deviner qu'il souffre, qu'il est malheureux. Un jour, voyez-vous, j'ai été ce yéti ; je me suis senti puissant, important et spectaculaire... J'y ai cru, à tel point que je lui ai donné vie ; et puis la tristesse l'a étouffé, le manque de confiance l'a tué. A chaque fois c'est comme ca, c'est une hécatombe schizophrénique : je me réveille un matin et un autre de mes rêves est mort, bien vite remplacé par un nouveau. Je n'ose même pas imaginer, le jour où je les rejoindrai, l'armée de spectres gris qui viendront me demander des comptes...

    Gloups.

    Gatrasz.


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  • Dessin inspiré...d'un dessin que j'ai fait en rêve :)

         Elle est toujours là ; elle ne me quitte jamais. Chacun de mes pas lui est connu mais je ne la connais pas. Elle rôde comme le Chasseur qui joue avec sa proie, elle se cache et ne montre que ce qu'elle veut bien laisser voir, elle se distille ; et son rire augmente au rythme de ma terreur, du son cristallin des bulles sur un verre de champagne au rugissement indescriptible dont aucune bête ne saurait s'enorgueillir... Elle rit ainsi quand mon coeur s'arrête, quand mon pouls s'accélère elle se tait prudemment. Ses indices, comme des fanions qui balisent mon chemin, sont partout : dans ce riff étrange de Tony Iommi, dans cette flamme verte qui s'allume un instant, la nuit, derrière la vitre d'une cabine téléphonique. Elle s'est intéressée à ma généalogie, je trouve son nom sur les registres, lié au nom de mes aïeux par la marque infâmante de ses griffes. Son sang coule dans le mien, j'entends sa voix de basse dans les battements de mon coeur qui clament : "je-suis, je-suis, je te suis"... Avec le temps, son poids se fait plus écrasant sur mes épaules, mon corps rongé par son emprise crache tous les matins des poisons à son effigie qui laissent à ma bouche le goût amer de mon irrémédiable défaite. Elle me possède, elle m'a fait, elle a en moi ses marqueurs qui terrifient mon âme et cisaillent mes os. Je me tasse et me recroqueville à chacun de ses coups, me disloque et m'éteins dans cette boîte crânienne fragilisée. Bientôt son feu seul brillera dans mes orbites obscures, et l'on enfermera avec horreur le hideux spectacle de sa victoire sur ma carcasse corrompue. Les portes de l'asile claqueront sur ce qui fut moi, et personne jamais ne sondera les ténèbres où je sombre...

    Gatrasz.


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  • (Photo : ...je ne suis que la mèche. Consume moi...) 

    La vie d'artiste est paradoxale ; elle est truffée d'écueils
    J'ai deux vies, ou bien ma vie se décompose en deux temps, deux saisons
    C'est un peu comme marcher sur le fil du rasoir, toujours
    Il en est une où j'emmagasine les sensations et les expériences
    Refuser de pencher d'un côté ou de l'autre. Parce que
    Où je vais à 200 à l'heure pour vivre plusieurs existences en une
    C'est l'obscurité qui nourrit mon inspiration, parce que
    L'autre, c'est un second temps où la digestion se fait, après coup
    C'est dans la douleur que je puise mes mots, mes images
    Et l'inspiration s'empare du vécu pour se l'approprier
    Par essence j'aspire au bonheur, mais quand je l'ai il me pèse
    Je fais passer sur le papier le produit de mon (petit) vécu
    Car la création me manque, et son matériau principal...
    Le plus intense, en retirer l'essence pour (tenter de) la sublimer
    Cette souffrance. Parfois, j'ai l'impression de deviner
    Lui donner une vie propre, un sens tout particulier
    Le secret malheureux de ceux qui n'ont pas tenu le coup
    Ou plus prosaïquement pour m'en débarrasser...
    Ils ont sombré dans le mal dont ils s'abreuvaient
    La création n'est finalement qu'une moisson
    Leur pauvre carcasse fatiguée a fini par se rompre
    Les semailles se font en vivant carrément, sans arrière-pensée
    Broyée par un engrenage monstrueux qu'on préfèrerait ignorer
    Mais les deux ne se confondent pas, il y a toujours un temps pour tout
    C'est comme jouer avec le feu, le risque de s'embraser
    C'est comme ces écrivains voyageurs que je n'égalerai jamais
    Comme un Néron dont Rome serait le corps
    Et qui n'écrivaient pas sur le pont des cargos
    Il faut avoir la force de s'extraire de ses idées sombres
    Plutôt dans une chambre de bonne ou de cottage fleuri
    Pour respirer, de temps en temps ; il va falloir que j'y pense
    Le monde sublimé de leurs souvenirs encore plus intenses...
    Avant d'achever ma construction.

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  • (A lire en écoutant "666 conducer", du Black Rebel Motorcycle Club)

    Je me suis fait peur hier soir. Encore. Et d'une façon pas banale, pour changer. Quand est-ce que j'arrêterai de jouer à ça, hein ? Que je me laisserai un peu tranquille ? C'est pas pour demain, à mon avis. M'enfin, je devrais peut-être trouver ça marrant... Je ne sais pas trop. Enfin, pas vraiment.

    Voilà. Hier soir...je me suis
    moi-même suivi dans la rue. Pas moins. Il me faut bien 45 minutes pour aller dans le centre-ville, à pied ; ça a commencé à peu près à mi-chemin, juste avant le pont. Un type qui marchait derrière moi. Je le voyais parfois du coin de l'oeil, en tournant la tête. Je me méfie des gens qui me suivent, et qui marchent à la même vitesse que moi. C'est tellement rare. Et puis, quelque chose en lui attirait mon regard, un truc, un détail, bref le genre de petites choses énervantes qui ne vous laissent pas tranquille. Il était habillé de la même façon que moi. Enfin, pas tout à fait, les mêmes couleurs mais des habits un peu plus classe. La trentaine approchante. L'air un peu ravagé, le visage mangé par une barbe de trois jours. Plus j'allais, plus il me faisait peur, ce type ; alors je traversai plusieurs fois sans prévenir, je pris des raccourcis et des ruelles pour essayer de le semer, j'accélérai le pas. Pas moyen de m'en débarrasser, il continuait, les yeux fixes, les bras ballants comme un zombie. Et tout à coup, montant sans espoir l'escalier de ce fameux petit parc près de la cathédrale, celui de mes cauchemars, j'ai compris. C'était moi. Moi plus tard, moi dans quelques années. Un "moi" qui aurait suivi la mauvaise pente, un "moi" maigre qui se serait laissé aller. Qui aurait négligé ses (enfin, mes) rêves et ce en quoi il croyait. Ce à quoi je crois, aujourd'hui, quoi. Mon coeur s'est emballé quand j'ai réalisé ça ; je me suis dit : "jusqu'où va-t-il me suivre ?" Je m'attendais à le voir partout ; dans les magasins, dans les bars à la table d'à côté, chez mes camarades de virée prostré dans un coin de l'appart'. Et quand je demanderais aux autres : "vous voyez quelqu'un ici ?" en le montrant du doigt, on me prendrait pour un fou. Parce que les gens normaux, ils ne voient pas leur propre fantôme, le fantôme qu'ils vont devenir plus tard, quand leurs ambitions seront mortes. Les gens normaux (enfin, ceux-là), ils se défoncent, ils picolent et ils jouent aux dés en racontant des trucs absurdes. Et moi, j'apprécie leur compagnie. J'écoute leur musique et j'imagine ce que donnerait la mienne, si j'en jouais. Quand je pousse un peu trop loin la réflexion, je me dis que, peut-être, eux aussi ont vu leur ombre délavée les poursuivre dans la journée, je me dis que l'appart' est peut-être rempli de spectres assemblés comme nous autour d'une table basse, les yeux vides, croulant sous le poids de leur désespoir. Mais ça me fout les jetons, et je préfère jeter les dés quand vient mon tour, pour tâcher de renouveler le Destin.

    Il m'a quitté, mon suiveur ; il a tourné, tout à coup, devant un restaurant indien. Je me suis retourné, mû par une sorte de pressentiment : et je l'ai vu, hagard, regarder autour de lui et s'en aller par la tangente. Là, j'ai songé qu'en fait c'était un individu comme les autres. Un pauvre gars que le Destin avait choisi pour s'incarner, l'espace d'un quart d'heure. Et qui, tout à coup, reprenait possession de sa personnalité, après avoir joué docilement son rôle de prête-corps. Plus tard, j'ai tout fait pour oublier cette histoire ; mais rien n'y a fait, ni les bulles ni les volutes ne faisaient éclater son ombre. J'ai essayé le spiritisme, aussi. Mais seules les voix de Mr Lardons, de Tex et de Carole Rousseau ont parlé par nos voix. Pas moi. Parce qu'à ces heures-là je n'ai plus ma voix, juste un filet rauque entrecoupé de toux et de rires éthyliques.


    Gatrasz.


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