• II - L'AFFRONTEMENT

    J'errais dans les rues avec ma promise ; cette ville fantôme où nous nous étions donnés rendez-vous nous appartenait pour un moment, chaque maison était un peu la nôtre et nous glosions sur les raisons qui avaient poussé les gens, à la fermeture de l'usine, à déserter la cité de béton et de briques aux voies pavées à peine usées par les roues des camions et les chaussures des passants. Quelques badauds parce qu'on était dimanche ; à part cela, personne ne venait plus ici ; et je ne pensais plus aux trois types qui m'avaient attaqué sur la route. Je me disais qu'ils s'étaient trompés, qu'ils m'avaient confondu avec un PDG ou un politicien véreux et qu'une fois leur erreur comprise, ils s'effaceraient de ma vie comme un mauvais rêve. Quoi de plus normal ? Tout ne bascule pas comme ça, sans raison... Mélanie pensait comme moi ; voir tout en noir n'était pas dans ses habitudes. Cependant, une légère angoisse persistait, comme un petit nuage de cette journée passée dans le ciel tout bleu du présent. Un soupçon, qui me fit frissonner quand le bruit du vent rappela le vide intense de toute humanité dans cette ville morte et éloignée de tout. Un doute aussi, une superstition qui me fit me retourner pour regarder la rue déserte ; ils étaient là.

    Tous les trois ; ils nous regardaient, tranquilles, un brin moqueurs dans leur sourire en coin. L'air amusé du chasseur attendri par la pauvre ruse de sa proie, et qui n'en va pas moins l'abattre une fois lassé de ces enfantillages. Ils avaient sous le bras d'autres armes, plus grandes et plus impressionnantes ; de ces fusils qu'on utilise dans les parcs pour endormir les éléphants ou les bêtes enragées. Le plus jeune épaula quand j'entraînai Mélanie dans une ruelle adjacente, et une capsule équipée d'une aiguille vint se fracasser sur le mur au-dessus de nos têtes. Le jeu que nous jouâmes sur ce terrain tenait autant de la guérilla que du jeu d'échecs ; j'ignorais la raison de leur changement d'arme, mais je tenais pour certain qu'ils voulaient ma mort. Ils me l'avaient dit une fois déjà, et c'était largement suffisant. C'est pourquoi quand j'en eus l'occasion, j'abattis le tueur chauve avec l'arme que son collègue avait laissée sur le plancher de ma voiture, à notre précédente rencontre. Je restai un moment immobile après, en face de son cadavre, un peu remué au fond de moi par ce que je venais de faire ; mais il le fallait. C'était aussi un avertissement : après tout, ils m'avaient attaqué avec de vraies balles la première fois... Je rejoignis mon amie avec le fusil à fléchettes de ma victime.

    Le but n'était pas de les tuer un par un ; il fallait faire sortir Mélanie indemne de cet enfer, le reste m'importait peu. Je l'entraînai en courant dans un passage qui, me semblait-il, ramenait au parking ; comme nous allions y parvenir, une silhouette se dressa sur le toit d'une maison vide. Je vis son reflet au dernier moment dans le pare-brise d'une berline, mais quand je me retournai il était trop tard : Mélanie s'effondrait dans mes jambes, deux aiguilles plantées dans le dos de sa robe. J'expédiai rageusement une rafale de fléchettes en direction du tireur, mais il avait déjà disparu... Je portai ensuite Mélanie dans la voiture, et constatai qu'elle respirait normalement ; Dieu merci, les capsules ne contenaient qu'un somnifère. Puis je m'installai au volant et démarrai en trombe. Le dernier tueur apparut devant mon capot quand nous allions sortir du parking ; je ne fis aucun mouvement pour l'éviter. En fait, je baissai la tête et appuyai sur l'accélérateur, les bras tendus dans l'attente du choc. Son corps brisé s'envola par-dessus le pare-brise fracassé, mais je n'avais pas dévié ma trajectoire d'un pouce ; après la découverte du corps de leur collègue ils auraient dû savoir que je ne plaisantais plus.

    -A suivre-

    Gatrasz.


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  • I - L'ANNONCE

    Je roulais à vive allure, en ce matin de février, à travers les bois noirs sur la route humide et froide qui serpentait paresseusement comme les méandres d'une rivière sous les cieux gris ; c'était comme un courant qui m'emportait, un bateau que je dirigeais sur un chenal mouvant d'asphalte. Il y avait quelque chose d'irrémédiable dans tout cela, un destin qui s'accomplissait à travers ce trajet maintes fois répété. Prévue aussi la pause que je fis, m'engageant dans un chemin de terre pour m'arrêter au milieu des arbres et me dégourdir un peu les jambes. Cependant, alors que je me retournais pour refermer ma portière, il y eut un choc sur ma nuque, et je perdis connaissance...

    Je me réveillai à plat ventre dans la boue et les feuilles mortes ; tournant la tête, je vis ma voiture à une dizaine de mètres sur la gauche. Que m'était-il arrivé ? Certainement pas un voleur, puisque la voiture était toujours là. Je me relevai gauchement ; et en me retournant, je les vis. Ils étaient trois, en face de moi sur le chemin, répartis en arc de cercle. Au centre un individu au visage carré, les cheveux grisonnant et l'air impassible ; à droite, un type plus jeune aux cheveux longs et noirs - comme les vêtements qu'ils portaient tous. Le troisième, sur la gauche, portait des lunettes de soleil et son visage fermé complétait son austérité d'un crâne méticuleusement rasé. Chacun portait une arme, un long pistolet à silencieux avec lequel ils jouaient nonchalamment.

    «
    Que...que voulez-vous ? dis-je en reculant d'un pas, me heurtant du même coup au tronc d'un chêne qui m'arrêta.
    _
    Nous sommes ici pour vous tuer, répondit posément le plus âgé des trois, avec un rictus qui pouvait passer pour un sourire.
    _
    Pourquoi suis-je toujours en vie, alors ? Vous auriez pu...
    _Pour nous, vous êtes déjà mort ; nous tenions à vous le faire savoir.
    »

    Ils se détournèrent ensuite, comme si le moment n'était pas encore venu et qu'ils attendaient quelque chose ; celui de gauche fit quelques pas en direction de la route. Le plus âgé, les bras derrière le dos, regardait ailleurs : quant au troisième, il se dirigea vers ma voiture et s'installa à la place du conducteur. Saisissant l'instant comme une chance, je me baissai et courus dans sa direction tandis qu'un cri éclatait derrière moi. Je trébuchai en y arrivant, et une balle étoila le rétroviseur au-dessus de moi ; puis je sautai par-dessus le capot. L'homme assis à l'intérieur sortit précipitamment, mais je rabattis violemment la portière sur lui et il s'effondra dans un cri perçant. Je démarrai sur les chapeaux de roues ; les pneus patinèrent un instant dans la boue puis la voiture bondit, et je décrivis une courbe pour faire demi-tour et filer vers la route. Au passage, je manquai de renverser l'un des hommes qui se trouvait sur le chemin ; dans mon rétroviseur je les vis debout tous deux, de plus en plus loin derrière. Les bras ballants, ils me regardaient partir ; et je crus lire sur la physionomie du plus vieux le même sourire un peu narquois tandis que je m'enfuyais...

    -A suivre-

    Gatrasz.


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  • Je regarde les arbres, à travers le grillage de la cour. Les assauts de l'Hiver les ont durement éprouvés ; mais ils sont toujours là, résistants. Ils renaissent, leur détermination à survivre n'a pas faibli ; de même, j'ai tenu le coup. Je me sens comme ces arbres, la sève coule de nouveau en moi et le Soleil me réchauffe. Bientôt je partirai d'ici ; le grillage électrifié ne m'arrêtera pas, je serai...libre.

    Les raisons qui m'ont fait enfermer ici ne tiennent pas la route ; je ne suis pas un monstre. Ils le savent bien, d'ailleurs, et je connais deux personnes au moins qui travaillent à ma libération. Ma réhabilitation, disent-ils... Je m'en moque. Je ne veux pas faire de bruit, pas apparaître dans les journaux, non. Une fois les portes ouvertes, je m'en irai sur la route, simplement, les mains dans les poches et les cheveux soufflés par le vent du Printemps...

    "Il faut le libérer, Trevor ; ça ne peut plus durer, ça n'a aucun sens...
    _Ce n'est pas ce que tu disais hier matin, répondit Trevor avec autant d'ironie dans les mots que dans la physionomie.
    Mlle Cyrille McKenny se tourna vers Buddy (qui la dévisageait, horrifié) et rougit :
    _Hem...ne faîtes pas attention à ce qu'il dit.
    Trevor Haynes se racla la gorge bruyamment.
    _Bien sûr, Buddy ; le fait que Cyrille...euh, Maître McKenny et moi-même passions certaines nuits ensemble n'a évidemment aucune incidence sur cette affaire... Quant à ce pauvre garçon, si vous tenez absolument à le faire sortir, je...hem...en fin de compte, je ne vois rien qui puisse s'opposer à ce que...

    J'erre à présent le long du lac gelé sur le chemin de terre que je connais si bien. Le Soleil bas sur l'horizon réverbère sa pâle lumière sur la glace qui craque et qui gémit sous sa chaude caresse ; loin, au milieu du lac, existe une petite zone d'eau libre, comme le jaune au centre d'un oeuf sur le plat, comme le coeur fondant d'une bûche glacée. Ou le coeur d'une Finlandaise amoureuse...
    Je n'ai pas attendu qu'ils viennent m'ouvrir la porte ; ce matin, j'ai eu 19 ans et je me suis volatilisé. J'ai franchi le mur électrifié. Des regrets ? Ni avant, ni après. Je laisse là le lac et reprends mon chemin vers le fond des bois de sapins qui à perte de vue s'étendent autour des prairies glacées que la route avec moi traverse. Les poings noués dans les poches de mon court manteau, je n'abandonne derrière moi qu'un nuage aussi régulier qu'éphémère, et les traces de mes pas que personne ne songerait à suivre...

    Allongé sur ce vieux canapé, je suis tout simplement bien. Ce petit bout de femme à califourchon sur mon estomac s'amuse ; petit, tout petit bout de femme. Mais au regard et aux traits d'une maturité que ne laisserait jamais supposer son état-civil...
    Comment vous décrire cet amour-là ? Fait d'entente et de gestes anodins, d'espoir et d'attente du jour encore lointain de sa concrétisation. Comme une fraternité d'accueil qui aurait mal tourné dans nos esprits que seul l'âge sépare, en attendant que ça n'ait plus d'importance. "
    Un jour, on se mariera, c'est sûr...", me dit-elle ; jamais je n'aurai envie de la contredire...
    Mais il y a eux. Ses parents, évidemment. Parce qu'ils n'ont pas confiance, parce qu'ils se méfient de moi ; parce qu'ils ne nous écoutent pas. Ni elle, ni moi. Elle ne sent que la crainte, la défiance, moi je sens de l'hostilité. De la haine qui bouillonne. Un meurtre par principe de précaution ; leur esprit me ronge déjà de l'intérieur, j'ai l'impression de sentir le cancer qui me dévore et qui veut sortir, s'exhiber, me narguer. C'est un monstre avec leur tête qui s'insinue en moi quand je dors pour ne pas me laisser le temps. Quand ils m'auront mangé, elle en trouvera un autre ; et moi je caresserai les racines des pissenlits et des coquelicots... Pourquoi ? Pourquoi pas ?

    Gatrasz.


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  • Aujourd'hui, je vous donne un petit aperçu du boulot de mon subconscient (vous allez voir, c'est un véritable artiste) ; disons que je vous ai autorisé une petite trépanation pendant mon sommeil (à l'occasion, par exemple, du post précédent)... Ça y est, vous avez branché les écouteurs ? C'est parti...

    "Bon; me voilà bien. Encore une fois je suis pressé par le temps, je vais devoir créer à toute vitesse à partir d'éléments disparates, je vais construire un univers de bric et de broc pour les besoins d'une expression bien spécifique. J'ai un message à faire passer, voyez-vous. C'est comme une mission sacrée, je ne peux pas m'y soustraire : et pour ce faire, je dispose d'une petite pièce ronde remplie d'objets hétéroclites balancés là, pour la plupart au cours des dernières 24 heures. Et le sablier qui va bientôt se remettre en route : ça y est, c'est parti. Alors, il me faut représenter, pêle-mêle : le monde artistique, une décision, la liberté, une famille oppressante, un retour aux sources. Comment faire ? Pour l'abominable famille, ce n'est pas compliqué : j'ai tout un lot de nouvelles d'Edgar Allan Poe, ça fera un cadre idéal. Le monde artistique ? J'ai là quelques jolies filles, des vêtements colorés, une pièce de théâtre...parfait ! Comme je suis lancé, je continue ; la liberté ? La nudité et un pagne devraient suffir (on fait avec ce qu'on a, hein). Une décision ? Euh...diable, je n'ai plus beaucoup de temps ! Allez, on va dire...de l'eau, une rivière, se jeter à l'eau quoi. Vite, vite, le temps passe, plus que quelques secondes... Que me reste-t-il ? Ah, oui, le retour aux sources. Vous représenteriez ça comment, vous ? Oh...il me semble avoir vu...dans un coin, oui, oui, des publicités pour...du saumon ! (bah oui, c'est Noël) Hourra !! Il ne me rete plus qu'à mélanger tout ça, apporter une petite touche personnelle, et...voilà ! C'est terminé. Il était temps (Driiiiiiiiiiiiiiiing) : le réveil sonne"

    ...et voilà comment je me retrouve, dans mon lit, en train de rêver que je m'échappe d'une histoire glauque d'Edgar Allan Poe ; que je cours presque nu dans une rivière avec un saumon sur les bras, vers une ville ensoleillée où de belles jeunes filles en habits multicolores jouent une pièce de théâtre sur laquelle on ne saurait mettre un nom...

    Gatrasz.


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  •      Soyez la bienvenue, Madame/Mademoiselle, dans les murs délicatement chauffés de notre institut dédié exclusivement à Vous. Z'aimez le Chocolat ? Parfait ! Demandez, vous en aurez ; il suffit que cela vous fasse du bien. Accordez-nous seulement votre confiance, et nous vous promettons un corps aux courbes parfaites, aux lignes fermes, aux seins ronds comme des macarons...

         Pour cela, nous vous offrons plusieurs recettes :
    masque, bain, shampooing, et nous en imaginons d'autres tous les jours, rien que pour vous !

         Au programme de notre formule principale : bains de Lait relaxants qui vous imprègneront d'irrésistibles senteurs de Vanille et d'Aromates exotiques, massages au Beurre de Cacao (vos mains plongées dans un saladier de fèves de  Cacao, effet déstressant garanti...), et pour finir, les plus fines préparations vous seront réservées pour un enrobage sucré d'une finesse digne des meilleurs pâtissiers. Votre corps est Roi ; commandez et l'on vous servira/sertira d'éclats de Noisette sur une couche de Chocolat noir...

         Bien entendu, vous êtes libres d'amener qui vous voulez pour déguster, une fois les soins terminés, votre personne aromatisée, soigneusement moulée dans un
    Chocolat de couverture et pimentée si vous le désirez...

    P.S. : pour la petite histoire, ce post m'a été inspiré par un rêve...que je ne vous raconterai pas ! :)

    Gatrasz.


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