• Mésaventure d'[Un Homme Pressé] (Suite et fin)...


         Justine et Pierre eurent du mal à empêcher le garçon de parler boulot ; pour eux, tout à coup, cela ne signifiait plus grand-chose, mais le jeune représentant était plein d'enthousiasme et d'ambition... Cela finit par lasser le couple. Ils se remirent à parler entre eux, à faire des projets pour les jours à venir. Le jeune homme s'était longtemps montré perplexe sur la décision de Pierre, et avait même dit en riant que le Temps le rattrapperait un jour ; mais l'ex-cadre ne voulait pas en entendre parler. Il parut comprendre enfin, et se tut. Bientôt, il se leva en s'excusant de monter dans sa chambre ; pour aller prendre quelque chose, dit-il. Ils acquiescèrent poliment sans comprendre, et n'y pensèrent plus...

    Avant de s'endormir pourtant, Pierre se surprit à repenser à l'inconnu rencontré dans la salle commune ; il avait un sentiment bizarre, une impression qui le mettait mal à l'aise. Il se dit que c'était sans doute parce qu'il se reconnaissait un peu trop en lui, qu'il s'identifiait à lui plus qu'il n'aurait fallu ; et il fit son possible pour chasser l'importun de son esprit...

    Au réveil, il se sentit heureux comme jamais il ne l'avait été. Il était libre ; plus de congrès, plus jamais. Juste la vie, le
    Temps ; juste Justine et lui. Justine... Elle dormait près de lui, paisible ; le soleil du petit matin jouait avec ses cheveux qui, pour l'occasion, prenaient des reflets argentés...
    Il laissa de nouveau son regard errer dans la pièce ; soudain, il tressaillit. Une hallucination, forcément : l'espace d'une seconde, il avait cru voir passer dans la chambre le jeune homme de la veille, avec à la main une mallette qui ressemblait fort à la SIENNE. Celle qu'il avait à ses débuts. L'autre l'avait regardé, et lui avait dit avec un petit sourire : "
    ...ça y est, j'ai ce que j'étais venu reprendre...merci...". Dans son visage pourtant, il y avait quelque chose de changé ; c'était comme s'il avait été tout à coup...plus vieux. Les traits plus marqués, mais les mêmes yeux moqueurs.

    Pierre se passa la main sur la figure, interloqué ; il avait rêvé, c'était certain. D'ailleurs, il n'y avait personne dans la pièce, sinon lui et sa femme qui dormait toujours. Vaguement inquiet, il se leva et se dirigea vers la salle de bains ; il se sentait un peu faible. Une fois la porte ouverte, il s'approcha du lavabo ; et là, passant devant la glace...il VIT. Il SE vit ; et la terreur s'empara de lui. Il s'était couché quinquagénaire, et il se réveillait avec la tête d'un vieillard ! Quatre vingt-dix ans, au moins... Non, ce n'était pas possible ; pas déjà ! Il se précipita dans la chambre pour réveiller Justine. Justine... Adorable petite grand-mère, au visage fripé comme une vieille pomme. Une vraie nature morte. Pierre poussa un cri de désespoir ; la phrase de l'Autre lui revenait aux oreilles. "
    ...j'ai ce que j'étais venu reprendre..." Il comprenait enfin ; ce que le jeune homme lui avait pris, c'était...le Temps. Ces années de vie qu'il avait voulu épargner pour Justine et pour lui, comme un placement sur leur vie à venir... Pierre sentit qu'il défaillait, il suffoquait ; en s'écroulant, il voulut hurler. C'était insupportable, tout ce Temps rêvé l'espace d'une soirée, et qui lui avait été repris...
     
    Et maintenant, il était trop tard. 

    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Vendredi 21 Septembre 2007 à 11:47
    Salut Gat'
    Superbe métaphore du temps qui passe et qui trépasse ! Chapeau M'sieur ;-)
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    2
    Vendredi 21 Septembre 2007 à 11:50
    'lut French :)
    ...c'est pas ma faute, je fais que raconter mon rêve^^ Mais je transmets ton comm' à mon inconscient :D
    3
    Barbara
    Vendredi 21 Septembre 2007 à 14:22
    mdr!
    mais alors ça: "visage fripé comme une vieille pomme. Une vraie nature morte." ça fait trop rire! viva la vecchia! :-))))))))))))))))))))))))))
    4
    Vendredi 21 Septembre 2007 à 14:48
    Hello Barbara...
    ...oui, je trouvais l'image sympathique. On se représente bien les choses, comme ça :) Content que ça te fasse rire :D
    5
    Cousin
    Lundi 24 Septembre 2007 à 21:58
    Au début de soirée, on la poursuit...
    ... puis on ne la remarque plus, enfin on la fuit. Ce n'est que vers une heure que son regard croise celui d'un miroir. Elle est devenue vieille... et l'aube est encore loin !
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