• Macro...


    Dans le courant de l’année 1919, je travaillais au laboratoire Hallschmidt sur le campus de l’Université d’
    Arkham ; j’étais chargé avec mon équipe de l’analyse du matériel expédié d’Antarctique par l’expédition Ashton-Smith. Sur place, les scientifiques rencontraient de nombreuses difficultés pour faire fonctionner correctement leurs instruments, et un inexplicable accident avait détruit une partie du matériel. Nos études se basaient donc sur les photographies et les notes rédigées par nos collègues sur le terrain ; le premier envoi comportait des clichés en taille réelle des premières découvertes. Comme nous le précisait le professeur Ashton dans la notice, les prélèvements et les clichés au microscope allaient suivre par le vol suivant.

    Le développement des premières pellicules effectué, je me mis au travail ; il s’agissait d’étudier un sol préhistorique, un niveau calcaire très altéré présentant de nombreuses fissures et regorgeant de fossiles. Le cliché principal représentait un squelette manifestement humain, dans ce qui devait être une sépulture primitive. Il suffisait par lui seul à donner l’échelle -
    heureusement, car elle manquait. Oubli dû à l’excitation de la découverte, sans doute ; à moins qu’il ne s’agisse justement du matériel perdu... Dès le départ, je remarquai quelque chose d’inattendu : les espèces fossilisées, quoique ressemblant tout à fait à des spécimens connus, étaient d’une taille surprenante en comparaison avec le squelette. On connaissait ces mollusques ou leurs proches cousins dans des variétés pouvant atteindre, dans nos régions, une dizaine de centimètres ; mais de trente centimètres jusqu’à un bon mètre cinquante, jamais. Certes, ceux-ci étaient d’une espèce différente ; cependant leur gigantisme avait quelque chose de repoussant, d’inadmissible.

    Le problème venait aussi d’une sorte de méduse en relation avec le corps ; composé d’un corps de section pentagonale, pourvu d’un système vasculaire inédit, il était équipé de cinq tentacules enroulés et, apparemment, extensibles. Sa contemporanéité avec la sépulture ne faisait aucun doute : les deux se trouvaient dans la même couche calcaire plus claire, recoupés par les mêmes accidents, failles et fracturations du rocher -
    ce qui amenait à penser qu’ils s’y étaient tous deux fossilisés ! Les deux jours suivants furent dédiés à une recherche assidue de correspondances phylogénétiques, afin d’attribuer aux espèces observées au moins une tentative identification. Nous ne pûmes rien trouver d’équivalent à ce monstre dans la classification connue ; en revanche, plus surprenant, un de mes étudiants cru reconnaître dans les fossiles présents sur la photographie les phénotypes d’espèces microscopiques identifiés dans des sédiments calcaires de la fin de l’ère Primaire. Qu’ils aient pu survivre dans l’Arctique jusqu’à l’apparition de l’Homme était d’une hypothèse scientifique intéressante ; mais au point d’atteindre une taille si éloignée de celle d’origine, cela dépassait l’entendement. Quant à penser que c’était l’homme lui-même qui était très petit, c’était tentant certes mais aussi parfaitement absurde.

    Nous en étions là de nos recherches, fébriles et profondément perplexes, quand un coursier de l’université vint nous porter l’élément qui, loin de résoudre l’énigme, ne faisait qu’en obscurcir le sens ; cette nouvelle donnée se présentait sous la forme d’une autre lettre du professeur Ashton. Jointe au colis initial, elle s’était perdue quelque part au centre de tri et nous parvenait avec du retard ; quand je lus ce qu’elle renfermait, je sentis mes certitudes scientifiques s’étioler, se fondre dans le doute et l’égarement. Ainsi s’expliquait la ressemblance de la tombe avec
    ces minéraux broyés par la pression, à l’intérieur même d’un rocher... Elle en avait toutes les caractéristiques, certes,mais j’avais constamment repoussé cette idée. Et pourtant, tandis que ma raison rendait l’âme, je relisais sans cesse la phrase : « …pardonner mon erreur ; nous vous avons transmis les clichés pris au microscope. Il s’agit donc de lames minces de roche, les photos en taille réelle et macrophotographie suivront plus tard… »


    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Mardi 8 Décembre 2009 à 18:53
    Huhuhu ! :~)
    ou l'art de faire passer un poil de cul pour un cordage de marine !
    2
    Mercredi 9 Décembre 2009 à 10:51
    Waouh !
    Superbe illustration pour une nouvelle comme je les aiment
    3
    Mercredi 9 Décembre 2009 à 12:34
    @Tant-Bourrin :
    ...vas-y, toi, pour faire entrer un squelette dans un microscope ! :) Et...un cordon pour grimper aux rideaux ?
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    4
    Mercredi 9 Décembre 2009 à 12:37
    @Andiamo :
    ...merci merci :) Tu vas rire, le sol de cailloux je l'ai refait 3 fois !
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