• Lili Pixy Tangerine

    5. Tangerine (Rêve)


    Lili Pixy errait dans un monde étrange, où jamais elle n'était allée encore. Dans une obscurité à l'épaisseur de velours, elle décrivait des cercles pour ne pas s'égarer ; mais lorsqu'elle comprit qu'il n'y avait aucun point de repère, si ce n'est un lourd battement rythmé et sonore qu'elle ressentait jusque dans ses os, de la même manière où qu'elle soit, elle lâcha sa rambarde mentale pour s'en aller tout droit vers l'inconnu. Ainsi avait-elle toujours avancé, en fait ; le reste ne l'avait jamais menée à rien. Mais elle était dans un rêve, et elle n'y pensait pas.

    La progression se faisait pour Lili Pixy de plus en plus riche et surprenante ; elle écartait d'immenses lianes qui parfois semblaient vivantes et d'autres fois inertes, ayant le don d'être toujours différentes de ce qu'elle avait prévu. D'énormes fleurs aussi se présentaient, qu'elle contournait avec précautions ; elles étaient reliées entre elles par un réseau abracadabrant de canaux remplis d'une eau sombre qui dégageait fraîcheur et odeurs inconnues. Elle prit facilement l'habitude de sauter par-dessus à petits bonds élégants, parce que si elle n'osait pas ils se mettaient à s'élargir au point qu'elle devait changer de chemin. Bientôt au sourd battement se joignirent d'autres sons plus légers, comme des bambous qui s'entrechoquent, sur un rythme un peu différent. Puis ce furent des cris d'animaux aux tonalités bizarres et qu'elle ne connaissait pas ; ils donnaient l'impression de se répondre, à intervalles réguliers cette fois-ci. Lili sourit en essayant, mais sans succès, de décrypter leur message...

    Au bout d'un temps qu'elle ne sut définir, elle s'aperçut que les éléments de cet étrange univers devenaient vaguement lumineux ; finalement, elle commença à distinguer une sorte de halo autour de toutes choses, la couleur ambiante variant selon la nature de l'objet. Elle-même était environnée d'un petit nuage résultant apparemment de toutes les teintes qu'elle avait croisées jusqu'ici ; et comme elle découvrait de nouvelles plantes et de nouveaux éléments de ce monde honirique, Lili Pixy remarqua que son propre halo de lumière s'enrichissait de nouvelles couleurs. En même temps l'univers sonore s'étoffait au fur et à mesure qu'elle marchait ; cela formait en fin de compte une véritable symphonie qui paraissait dicter ses humeurs à la jeune femme. Quand le tempo s'accélérait elle sentait l'angoisse monter irrésistiblement, tandis que chacune de ses découvertes se ponctuait de silences et de notes claires surgies de nulle part.

    Alors elle distingua les animaux qui peuplaient cet étrange univers ; déjà elle s'attendait à leur présence, par leurs cris qui peuplaient la musique et par d'autres indices indéfinissables. Elle pensa d'abord qu'ils n'éméttaient aucune lumière ; mais en s'accroupissant tout à coup pour les observer, elle put constater qu'à ses pieds la lueur était aveuglante, mais que de là-haut elle ne pouvait pas le voir. Elle avança la main, et comme par magie les créatures s'écartèrent, expliquant pourquoi Lili n'en avait pas encore senti sous ses pas. Heureusement, songea-t-elle avec soulagement, tant pour elle que pour ces pauvres petites bêtes. Pour les voir, et pour garder l'éblouissement de ce niveau si coloré, elle continua de progresser à quatre pattes. Des marées de bestioles rapides et indistinctes ondulaient entre ses genoux et ses mains sans jamais la toucher. Au dessus de sa tête sifflaient à présent d'autres objets qui passaient à une vitesse incongrue et vertigineuse ; et elle se félicita d'avoir choisi d'évoluer plus bas, surtout quand l'un d'eux faillit la heurter comme elle levait le nez un instant. Pendant une fraction de seconde, elle avait eu le temps de voir cette chose, avant de l'éviter promptement ; cela ressemblait à une sorte de petit spectre, une tache lumineuse qui filait à vive allure, à première vue aussi peu dense qu'un nuage mais au vu de l'air déplacé Lili conclut qu'il valait mieux éviter d'entrer en collision avec ces petits concentrés d'énergie.

    Elle se déplaçait avec prudence, à cause des éléments de plus en plus nombreux qui l'entouraient. En l'air, les lianes s'étaient faites multiples, courant dans toutes les directions en créant un réseau de plus en plus serré dans lequel elle n'aurait pas voulu rester prisonnière. Le seul espace laissé libre était celui qu'elle explorait ; haut d'un mètre à peu près, il allait cependant en s'abaissant, lentement mais régulièrement. Il arriva un stade où Lili Pixy dut se résoudre à ramper à plat ventre pour pouvoir continuer sa route. Cela lui répugnait au début, à cause des bestioles qui grouillaient partout sous elle ; mais elle s'aperçut que lorsqu'elle descendait près du sol, qui au passage était fait d'une matière noire, lisse et dure comme de la pierre mais pas trop froide, les multiples créatures lui laissaient la place. Elle se décida donc à s'allonger pour poursuivre ainsi...

    A partir de là, elle remarqua une sorte d'uniformité du "paysage" autour d'elle ; à peu près toujours autant de grosses fleurs posées régulièrement, un plafond qui ne descendait plus, des canaux ne dépassant pas deux ou trois centimètres de largeur... Ce fut ainsi pendant un long moment encore, et ne paraissait pas sur le point de changer. La seule chose qui commençait à l'inquiéter était que les bestioles se rapprochaient d'elle ; peut-être qu'elles s'habituaient, ou peut-être s'enhardissaient-elles. En tout cas elle le remarqua ; et bientôt elle put presque les toucher. Elles n'avaient pas l'air menaçantes, et Lili voulut s'arrêter pour les détailler ; mais elle fut alors confrontée à un étrange phénomène.

    Les trente premières secondes, tout se passa bien ; puis elle ressentit un léger engourdissement. Cela semblait naturel, et elle ne s'en inquiéta pas outre mesure. Puis elle eut un premier frisson ; et un autre, et un autre encore. Elle eut soudain l'impression nette que quelque chose se produisait : c'était comme si une espèce de vague de froid la gagnait lentement. Pas un froid agressif qui vous brûle la peau, non ; mais quelque chose de diffus et d'anesthésiant qui remontait du sol à travers les vaisseaux et les veines, vers l'intérieur. Cela gagnait peu à peu ; et Lili Pixy eut tout à coup l'intuition que si elle laissait ce sentiment remonter jusqu'au tréfond d'elle-même, jusqu'au coeur de son être, il serait trop tard ; c'en serait fini de sa courte existence, elle serait absorbée par cette chose froide et insidieuse. Elle se souvint que chacun de ses frissons avait un instant repoussé le froid, comme les ondes à la surface de l'eau lorsqu'on y jette un caillou ; désespérément, elle serra les dents et tâcha de faire un mouvement. Aussitôt, le froid s'évanouit ; curieuse, elle s'immobilisa de nouveau, et le froid revint. Elle s'en débarrassa de la même façon. Ainsi, il suffisait qu'elle bouge... Cela irait tant qu'elle ne serait pas fatiguée ; mais bizarrement, elle ne l'était pas, et elle reprit sa lente progression.

    Peu à peu, les petits animaux se mirent à la frôler, puis à passer par-dessus son bras, puis par-dessus son dos ; mais ils n'étaient pas froids, ils n'étaient pas désagréables au toucher et ils se déplaçaient avec aisance, ce qui fait qu'elle n'en ressentait aucun dégoût. Finalement, comme ils ne se laissaient pas écraser sous elle et qu'ils ne donnaient pas l'impression de vouloir s'amonceler sur son corps, Lili Pixy décida de ne pas se faire de souçi à leur sujet.

    Elle avançait toujours tout droit ; ensuite elle eut l'idée de décrire de vastes sinusoïdes en conservant la même direction générale. Puis elle voulut corser le jeu en faisant onduler son corps comme un serpent, et s'amusa à adopter pour ses mouvements le rythme sinueux de la musique qui l'environnait toujours, dans une ambiance douce et feutrée. L'effet fut saisissant, prenant, captivant, elle sentait comme une évolution de son être ; la lumière qui émanait d'elle était à présent presque blanche et elle avait le sentiment de devenir comme les petites bestioles qui évoluaient autour d'elle, sur elle. Et ces dernières semblaient le ressentir également, l'adopter comme une des leurs dans la grande harmonie de leur mouvement ondulant... Soudain, comme en réponse à un signal, toutes parurent vouloir grimper en même temps sur son dos ; Lili Pixy sentit leur poids augmenter, augmenter... Et tout à coup, sans qu'elle ait eu le temps d'avoir peur, le sol s'ouvrit sous elle et l'engloutit... C'est alors qu'elle s'éveilla.


    Gatrasz.

    (...oui, parce que Lili Pixy, elle rêve, aussi... :)

  • Commentaires

    1
    Jeudi 4 Janvier 2007 à 11:29
    hello ici
    j'adore ta déco! je reviendrais avec plaisir! kiss
    2
    Jeudi 4 Janvier 2007 à 11:53
    Merci
    ...pour la déco^^ Oui, je l'ai faite tout seul, avec mes griffes sur le papier peint :) Kiss aussi...
    3
    Jeudi 4 Janvier 2007 à 12:13
    que beau rêve!
    il faut arrêter de faire de cauchemars tout le temps!... uff
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    4
    Flo
    Jeudi 4 Janvier 2007 à 12:24
    Ca ferait décidément
    un très bon scénario tout ça, j'adore, bravo... bises
    5
    Jeudi 4 Janvier 2007 à 12:27
    B'jour Flo...
    ...bises à toi aussi ; oui, je verrais bien un genre de dessin animé, ou un clip, là-dessus, avec une musique adaptée :)
    6
    Flo
    Jeudi 4 Janvier 2007 à 12:36
    Je pourrais
    avoir le rôle de la petite Lili Pixy, dis??
    7
    Jeudi 4 Janvier 2007 à 13:00
    Bien sûr :)
    ...de toute façon je te l'aurais proposé, je ne vois pas qui mieux que toi saurait l'interpréter ;)
    8
    la saxophoniste
    Jeudi 4 Janvier 2007 à 19:38
    merci pour ...((
    tout ton réconfort.A tu passé de bonne vacances ?
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :