• Les Voies Obscures (Chapitre 1)

     

    Weyland Gisbert regardait le défilé de lumières jalonnant le conduit obscur et souterrain du métro. Les doigts noués autour de la barre d’appui chromée, il réfléchissait à l’interprétation toute relative du mouvement. Il essayait laborieusement de se convaincre qu’il occupait une pièce immobile autour de laquelle tournait un vaste bloc ponctué de stations toutes identiques. Il fallait faire abstraction des secousses, mais en fermant à-demi les yeux, il y arrivait plutôt bien. C’était une habitude chez Weyland ; il aimait pervertir la réalité, renverser les rôles pour se créer son monde à lui, où la science-fiction tenait une part prépondérante. Ingénieur de l’imaginaire, il corrigeait la réalité jusqu’à la réécrire. Depuis longtemps, il n’entendait plus l’annonce du nom des stations. Il aurait pu rater la sienne ; il n’allait pas en avoir l’occasion. Comme la rame franchissait le pont enjambant l’autoroute, il y eut une secousse, suivie d’un bruit aigu de métal déchiré ; puis la pesanteur parut un instant suspendue, la cabine décrivant une étrange parabole. Enfin, la quatre-voies sembla bondir à sa rencontre, et Weyland Gisbert eut l’impression brutale d’une grande gifle de bitume en plein visage...

    Il se réveilla, à plat-ventre au milieu des débris et des corps, sur l’asphalte tiède de l’autoroute.
    Il était le seul survivant...

    Weyland fit quelques pas sur la route, un peu désorienté. Personne, pas une voiture en vue ; jamais il n'aurait pensé qu'il y eut des heures aussi creuses, sans bruit, sans circulation. Pas âme qui vive et puisse appeler des secours. Quoique...des secours, il n'en avait pas besoin. Quant aux autres... Profitant de l'incroyable chance qui l'avait laissé vivre, il s'éloigna sur la 4-voies, les mains dans les poches , silencieusement. Il finirait bien par rencontrer quelqu'un, quelque chose qui l'accueillerait de nouveau, symboliquement, dans le monde des vivants. Sinon...il se dirait qu'il était mort. Que ce n'était pas si difficile, en somme, comme épreuve ; et qu'après ça - il eut un sourire en coin, très léger - on se retrouvait finalement...tout seul.


    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Jeudi 19 Mars 2009 à 19:03
    Mort et tout seul ?
    Il n'était donc pas sur une highway to elle ? :~)
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    2
    Jeudi 19 Mars 2009 à 19:16
    bien à propos
    Toujours aussi DEROUTANT ];)))
    3
    Samedi 21 Mars 2009 à 10:55
    @Tant-Bourrin...
    ...il était l'âme-sans-soeur pour l'échafaud ;-)
    4
    Samedi 21 Mars 2009 à 10:59
    @Andiamo...
    ...je ne trouve pas les TRANSPORTS si COMMUNS qu'on le dit, moi :-)
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