• Le Concert... [FIN]

    (Photo : Gat'2010)


    Voilà ; sous un nuage un peu plus sombre est arrivée l'heure de nous mettre en mouvement. Un vol de mouettes qui passe très bas sur nos têtes envoie le signal du départ : et vlam!, un riff bien lourd qui leur ébouriffe les plumes et les fait tanguer. Le rock, ça ne se fait pas à moitié ! L'un des volatiles s'écrase contre un lampadaire, j'entends le batteur là-derrière qui s'emballe et lance la machine. Il faut voir la trombine des automobilistes qui s'endormaient doucement dans l'embouteillage, ils ont la bouche ouverte et les yeux fous quand ils comprennent, douloureusement, que nous ne sommes pas les figurants de la pièce. Non, nous sommes les artistes, on repassera pour la vue mais on vous en envoie déjà plein les oreilles...

    Une bourrasque s'est levée dans mon dos ; pliant les genoux, je me penche en arrière pour faire contrepoids, enchaînant ponts et accords syncopés. Les cheveux du bassiste ondulent à l'horizontale comme les doigts démesurés d'une anémone étrange, il secoue sa tête en une muette prière aux nuées et aux vents. Je me dis qu'il est temps, l'incantation est mûre pour être enfin lancée, ô démons et marées, prenez votre attirail et venez nous rejoindre ! Le spectacle sera à en perdre le souffle, déjà je vois les voitures glisser sur le bitume tandis que je desserre les dents. S'échappe un sifflement de ma bouche entrouverte, un chant retenu trop longtemps qui voudrait maintenant rompre mes mâchoires et s'envoler librement, fracasser les murs et emporter les gens, là-bas, loin, là où il n'y a plus rien que quelques oiseaux blancs. L'océan...

    Je crie à présent, très certainement, mais je ne m'entends plus tant est fort le courant, torrent sonore ponctué de vibrations quasi-sismiques qui vient briser la pluie et l'entraîne à l'horizontale. Un mascaret emporte les autos par-dessus le pont, formant autour de nous un cercle d'ahuris sentant la dernière heure arriver d'un jour exceptionnellement court. Quelque chose de définitif se lève et gronde à notre appel, derrière nous s'amène une chose indéfinie mais qu'on devine irréversible. Il était temps, il ne restait rien d'autre à faire. Avec nous le déluge, oui, mais quelle fête ! Autour de nous volent les flocons et les gens, puis ce sont les voitures et des fragments de béton qui prennent leur envol : d'énormes icebergs ont fracassé le pont, n'épargnant qu'un pilier où nous jouons toujours, indifférents ; je doute qu'un jour quelqu'un entende la fin de notre unique chanson. Je m'en moque à vrai dire, tout est vrai dans l'instant, rien qu'un instant mais de toute beauté. Comme si on avait su que ça allait arriver. Nous, on est venu pour accompagner. La fin du monde, ça méritait bien qu'on se sorte les mains des poches et qu'on joue quelque chose, non ? Voilà qui est fait ; à plus tard donc, et après moi... c'est ça, vous connaissez la chanson !

    FIN


    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Mardi 4 Mai 2010 à 18:32
    Le mot [FIN]...
    ... prend vraiment tout son sens. Espérons que ça se termine en douceur sur un ad lib. :~)
    2
    Mardi 4 Mai 2010 à 23:13
    @Tant-Bourrin :
    ...il s'agit de ne pas jouer au plus FIN ;)
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    3
    Mercredi 5 Mai 2010 à 14:40
    ad libitum (justement)
    Attends un peu (encore) nous ne sommes pas en 2012 en 2012 en 2012 en 2012 en 2012....
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