• L'Extraction Du Poilu Octobre...


    C'était en novembre 1917 ; en France, dans les tranchées noires et boueuses du gigantesque champ de bataille national survolé par les quelques corbeaux que les gaz de combat n'avaient pas encore étouffés. Cramponné à son fusil hors d'usage et la baïonnette plantée dans l'eau sale au fond de son trou d'obus, le vieux sergent Félicien Octobre attendait la fin de l'attaque avec une balle dans l'épaule gauche et une petite larme à l'œil droit. Tous ses hommes blessés ou tués dans la charge tragique qui l'avait mené là, à cinquante mètres des lignes dans une zone pilonnée par l'artillerie allemande...

    «
    Pourquoi, songeait-il entre ses dents cassées, pourquoi sont-y tous tués, mes hommes ? Z'ont-y perdu un troufion, les Boches ? Non, pas un, Sainte Mère !
    Il y eut au-dessus de lui un éclatement, très bas, qui interrompit un moment ses pensées. Puis une voix s'éleva derrière lui :
    _
    Ne crains rien, Félicien Octobre. Tes questions trouveront aujourd'hui une réponse.
    Recroquevillé dans la glaise, Félicien se retourna d'un bloc, pointant son fusil tordu vers une haute silhouette blanche vêtue d'une aube comme les communiants et coiffée d'un casque de bronze resplendissant mais - pensa Félicien - dépareillé.
    _
    Qui...qui êtes-vous ? bredouilla-t-il entre les poils de sa moustache boueuse.
    _
    Je suis l'Ange de la Mort, et j'ai entendu ton appel. La cause de la mort de tes hommes ? Tu la connais ; pour vous autres, l'artillerie ne fait pas de cadeaux...
    _Il n'y a pas de raison plus...haute ?!

    L'esprit de Félicien menaçait fort de s'égarer ; aussi l'Ange s'empressa-t-il d'ajouter :
    _
    Bien sûr, oui ; Dieu les a rappelés à lui, si tu préfères. Ils avaient fait leur temps, ils étaient marqués du sceau du Destin. Mais...nous avons d'autres projets pour toi, Félicien Octobre. Suis-moi.»

    Subjugué, le poilu rejoignit l'Ange qui lui donna la main ; il ne remarqua pas le sourire rusé du messager divin qui refermait ses doigts comme une griffe sur la main du pauvre homme. Ensemble ils coururent vers les lignes sans peur, et là, l'impossible se produisit : un
    Miracle. Un obus tomba précisément dans le trou qu'ils franchissaient d'un bond, et ils disparurent ; Dieu sait pourtant que deux projectiles ne tombent jamais, jamais au même endroit...

    Depuis, tandis que ses camarades reposent paisiblement dans les limbes, le vieux Félicien Octobre, maintenant sans âge, entraîne pour le combat des légions d'Anges qu'on dit invincibles. Il en voit, et il en voit passer, de ces têtes blondes au regard arrogant ; et parfois il se demande, le pauvre, s'il n'est pas un peu passé à l'ennemi. En attendant que l'Eternité passe, il songe à l'heure de la retraite. Mais il sait bien, ce brave homme, qu'elle ne viendra jamais...

    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Mardi 26 Février 2008 à 15:41
    Octobre
    Bravo. C'est agréable et bien tourné mais pourquoi ce nom de Octobre ?
    2
    Mardi 26 Février 2008 à 15:53
    'lut Papyves...
    ...mais parce qu'Octobre s'éteint quand Novembre commence, tiens :)
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    3
    Jeudi 28 Février 2008 à 14:58
    salut Gatrasz
    quelle catastrophe ! http://www.blogg.org/blog-68453.html un blog que j'ai fait pour tous ces poilus innocents des deux camps et qui me touche toujours surtout quand je vois les monuments des villages pleins des noms de ces minots ,que je prends la peine de lire chaque fois que je passe devant un de ces monuments
    4
    barbara
    Vendredi 29 Février 2008 à 10:12
    ciao gat,
    t'as bel et bien disparu depuis quelque temps. compliments pour ton post :-)
    5
    Mercredi 5 Mars 2008 à 19:19
    et bien me revoilà...
    toujours de belles écritures. Le moi de novembre à toujours été catastrophique....regarde moi j'y suis née dans ce mois. Et puis tout tombent...même les feuilles. Continue Gat' tu pourras bientôt y faire ton livre. Bizzz
    6
    Mercredi 12 Mars 2008 à 13:52
    CONGRATULATIONS
    lE GAT ... cONTENTE DE TE RETOUVER ... TU AS VRAIMENT L'AME D'UN ECRIVAIN BISOUS AU PLAISIR DE TE VOIR CHEZ MOI
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