Indochine 1954 - Episode 1.
Henri Hasnel déboucla les ceintures de son harnais, lentement, avec circonspection ; puis il se laissa aller contre son siège, et fixa le ciel un moment. Un ciel où il venait d'accomplir la première patrouille du matin... Un soupir lui échappa ; puis il s'extirpa du cockpit de son Bearcat et bondit, ou plutôt se laissa tomber, sur le sol, soulevant un petit nuage de poussière.
Traînant les pieds pour se rendre aux baraquements d'escadrille où l'attendait un fastidieux débriefing, il observa un petit groupe de soldats qui déchargeaient le C-47 de ravitaillement arrivé pendant son absence, et porteur du ravitaillement en matériel et en munitions. Cette scène se faisait de plus en plus rare ; et de nombreux pilotes s'arrêtaient pour la regarder avec nostalgie. Les pièces détachées manquaient, et de moins en moins d'appareils demeuraient en état de vol ; on en venait à cannibaliser les épaves et les avions qui auraient nécessité de trop longues réparations... Henri n'aurait pas su dire si le Gouvernement se désintéressait d'eux ou si, simplement, la situation se déteriorait à ce point sur le terrain. Dix jours plus tôt, le précédent bimoteur de ravitaillement avait été abattu par la D.C.A. Viet-Minh ; Hasnel se trouvait dans le local radio quand c'était arrivé. Il y avait eu d'abord un message affolé, au travers duquel on pouvait entendre les éclatements d'obus de 20 mm ; on avait presque pu deviner le tintements des éclats fouettant la carlingue. Trente secondes après, nouvelle communication où l'on distinguait la terreur dans l'intonation des malheureux qui énuméraient leurs avaries ; et cela s'était poursuivi, ils avaient continué à émettre par intermittence pendant cinq longues minutes avant que le silence se fasse sur le canal. Malgré la distance, Henri aurait juré avoir distinctement entendu au loin, étouffé, le bruit sourd du crash. Il avait ensuite croisé le regard de l'opérateur, qui avait encore le casque sur les oreilles, et tour à tour celui de toutes les personnes qui se trouvaient dans la pièce, sept ou huit au total. Tous avaient la même expression, le même regard, tous avaient aussi cru entendre... Puis chacun s'était secoué, avait repris le travail. On attendrait le prochain créneau de ravitaillement...
Gatrasz.
c'est un vrai travail pour moi de lire tes posts: les 50% des mots qu'ils contiennent il faut que je les cherche dans le dictionnaire! :-D