• False... (1/3)

    Fond sonore : [Barry Adamson - Something Wicked This Way Comes]

     

    Je l'ai rencontrée par une après-midi ensoleillée, à une terrasse du vieux port. J'aime bien prendre une limonade ou un diabolo, l'été, quand j'ai un peu moins de boulot que d'habitude. Les reportages, les articles, vous savez comment c'est : au moment des vacances on publie un florilège, on rajoute quelques fioritures et on fait aller, pendant que tout le monde est ailleurs à se dorer sur les plages.

    Elle prenait son café à la table voisine ; petites lunettes de soleil sur le nez, petit chapeau de paille qui lui donnaient l'air d'avoir dix-sept ans quand elle devait en avoir vingt-cinq - je présume. Elle feuilletait un bouquin banal, un truc qu'elle avait dû trouver soldé quelque part et qui n'arrivait pas à retenir son attention ; alors elle déchirait les coins de page, les roulait en boule, et elle les envoyait au loin d'un bref coup d'ongle, tic, tic, pour passer le temps. Moi, pendant ce temps-là, je faisais son portrait, vite, sur mon carnet, en accentuant la moue boudeuse et (mais à peine) la courbure toute sensuelle de ses lèvres fines. Elle me vit, et m'envoya dans l’œil sa dernière boulette de papier. 

    "Dîtes-donc, vous m'espionnez ?

    -N...non, dis-je ; je vous croque.

    -Et vous trouvez que c'est mieux ? Je dois me laisser faire, peut-être ?

    -Non, vous pouvez toujours me lancer des bouts de papier...

    -...ou le cendrier ?

    -J'aimerais mieux pas. J'arrête, alors ?

     

    Elle secoua la tête.

     

    -Non, non. Allez-y, faîtes mon portrait.

    Comme elle s'installait plus confortablement, un rien poseuse mais toujours charmante, je tournai fébrilement les pages du carnet pour démarrer, sur une feuille vierge, un nouveau dessin. L'astuce ne lui échappa guère.

    -C'est bon, dit-elle, le regard perdu au loin ; mais comme je m'ennuie et que vous n'avez pas tellement de conversation, je vais moi aussi ajouter quelque chose à votre portrait : le contexte. Ma petite touche personnelle, quoi. Je vais vous parler de moi...

    Et elle commença, lentement, par bribes, à me raconter. Non pas sa vie, mais juste 'elle'. Là, maintenant, en ce moment précis où, la langue entre les dents, j'essayais de saisir son profil, sa posture alanguie, son air moqueur. Et dès le départ, ce qu'elle dit me parut tellement cru, tellement inattendu et fou que, sur le coup, l'idée m'effleura que ce devait être un rêve. Que je m'étais endormi là, sur le front de mer, en sirotant mon diabolo - bah oui, il n'était pas encore 16h. Pourtant non, tout était bien réel autour de moi. Même elle, qui me disait : "appelez-moi ...Julietta "

    Julietta. Pour moi, mais elle ne le savait pas encore, ce serait Julietta... F.

    F comme 'False' ; Julietta False.

     

    (à suivre)

     

     

    Gatrasz.


  • Commentaires

    1
    Mercredi 31 Octobre 2012 à 10:01
    Bon début.
    OH OH Elle commence bien cette histoire. La suite... La suite .
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