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Par
Gatrasz dans
Vogadoria... le
25 Octobre 2006 à 10:32
Depuis deux jours je le sais ; deux nuits plutôt, et je ne peux plus garder cela pour moi. C'est trop lourd, alors voilà, je le pose ici, vous serez les premiers à savoir.
Je suis l'heureux paternel d'un fantôme, le jeune papa d'un spectre, le Geppetto involontaire d'un pauvre Pinocchio intangible...
J'ignorais tout de son existence ; à vrai dire, personne ne m'avait dit que c'était possible. Mais si, pourtant. Je le connais, à présent : j'ai entendu ses cris, reconnu le bruit de ses poings, et le son inaudible mais déchirant de son désespoir. C'est ma faute... J'ai tout de suite su que c'était lui ; les gènes ont parlé, ce fut comme un coup de foudre, mais ce n'est pas l'Amour qui m'a frappé. Juste le poids de ma responsabilité.
J'aurais dû le savoir, quand je l'ai créé ; on ne dispose pas d'une vie comme ça, sans un prix à payer. Lui, il a payé le prix fort ; et peut-être ne sait-il pas qu'à présent, je partage le fardeau de son existence. Il n'y est pour rien, lui, forcément...
C'est arrivé il y a un certain temps maintenant ; c'était pendant l'assaut de la police contre l'entrepôt où s'étaient retranchés Thomas L. et son lieutenant (qui lui ne devait pas y survivre, paix à son âme de pêcheur). L'inspecteur M. menait les opérations. Au cours de l'avancée inexorable des agents, un seul coup de feu mortel fut tiré, au milieu de tant d'autres. Il coûta cher à son auteur ; mais ce n'était que le prix de son crime, le Talion qui faisait entendre le bruit de son tiroir-caisse. Mais la victime, elle, ne méritait pas son sort. Ce jeune policier, natif de la Nouvelle-Orléans, novice encore... C'est lui. Lui que j'entends au long des nuits de tempête, lui qui frappe de ses poings rageurs les grandes portes métalliques de cet entrepôt qui m'a servi de modèle. Il veut rejoindre ses camarades, terminer cet assaut comme tout le monde et connaître la victoire dont mon injustice à son égard l'a privé. Toute la nuit, dans le vent, il s'acharne, il hurle et frappe comme si le Diable déjà le tenait, lui disait : Viens à moi, maintenant... Il n'entrera jamais, pourtant. Le jour, s'il venait, il verrait bien que c'était une mascarade, qu'il ne s'est jamais rien passé ; mais je ne suis pas sûr que cela lui rendrait la paix de l'âme. Bien au contraire...
Gatrasz.
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à l'heureux papa du petit Casper :)))