Episode 3. La Traversée
Les autres Pêcheurs avaient toujours respecté Gwillem pour son intelligence et sa bravoure; mais lorsqu'ils le virent rassembler plusieurs petits radeaux pour mener à bien son projet ils le crurent fou. Bien peu d'entre eux croyaient qu'il fût possible d'atteindre un rivage si éloigné qu'on ne pouvait même l'apercevoir. Pourtant certains avaient déjà voyagé d'île en île, et Gwillem les interpella ainsi:
Oh, frères Pêcheurs, ne l'avez-vous point déjà fait ? Vous avez voyagé d'île en île, et lorsque vous partiez, l'île vers laquelle vous vous dirigiez vous cachait les rivages de la suivante; pourtant ils existaient bien ! Vous les avez atteints, et vous voilà de retour chez vous !
Ainsi Gwillem pensait-il les convaincre; mais les Pêcheurs ne furent pas convaincus.C'est vrai, dirent-ils, nous avons voyagé d'île en île, et nous sommes revenus. Nous avons atteint des rivages qu'on ne peut apercevoir d'ici; mais à chaque étape nous pouvions voir le prochain rivage, ainsi que celui que nous venions de quitter ! Que feras-tu lorsque tu perdras de vue le rivage d'où tu viens, et que la Mer sera tout autour de toi ?
Et beaucoup d'entre eux s'en allèrent, car ils croyaient avoir raison. A ceux qui restaient encore, Gwillem répondit:
Je continuerai d'avancer, ô frères Pêcheurs ! Car je verrai toujours la Montagne, et je me dirigerai vers elle. Je ne mourrai ni de faim ni de soif, car je serai sur la Mer, et je pourrai pêcher; et il se trouvera bien autour de cette Montagne de nouveaux rivages pour m'accueillir !
_Mais tu ne pourras plus jamais revenir, dirent ceux qui étaient restés, et il s'en allèrent à leur tour tristement, car ils avaient beaucoup admiré Gwillem; mais ils le croyaient devenu fou à présent. Certains parmi ces Pêcheurs étaient d'accord avec lui; mais ils ne pensaient pas que l'on pût survivre à une traversée si aventureuse. Il en était aussi qui croyaient que quitter les îles pour s'aventurer au loin provoquerait le mécontentement des Dieux. A la fin, seuls restaient autour de Gwillem sa femme et ses enfants, car eux avaient confiance en lui.
Le lendemain, Gwillem fit monter sa femme et ses enfants sur le radeau qu'il avait confectionné, et il y monta avec eux. Tandis qu'ils commençaient à s'éloigner du rivage, ils virent les Pêcheurs qui venaient les regarder partir. Au début c'étaient de petits groupes inquiets et craignant d'être reconnus; mais lorsqu'ils virent qu'ils étaient nombreux, ils approchèrent jusqu'à l'eau sans plus se cacher. Et c'est finalement la population entière des îles environnantes qui vint assister au départ de Gwillem. Tout d'abord celui-ci fut ému; puis son coeur se souvint de ce que lui avaient dit les Pêcheurs, et il se détourna avec amertume. Et comme ses enfants faisaient des signes à ceux qui restaient sur le rivage, il les rabroua et leur dit de se retourner. Regardez la Montagne, leur dit-il, car c'est d'elle à présent que devront venir vos espoirs.
Gwillem conduisait son radeau d'une main ferme, et les vagues le poussaient dans la bonne direction. L'île d'où ils étaient partis semblait s'éloigner; mais c'étaient bien eux qui partaient pour ne plus revenir. Lorsque les rivages des îles eurent disparu à l'horizon, les enfants de Gwillem éclatèrent en sanglots; mais il était trop tard pour faire demi-tour. Plus tard, ils s'effrayèrent de la hauteur des vagues qui les entouraient; et leur mère ne pouvait les rassurer car elle était inquiète. Gwillem fit de son mieux pour les réconforter, tandis que le courant les poussait vers la Montagne. Lorsqu'ils eurent faim, Gwillem attrappa des Poissons pour sa femme et ses enfants, dont les craintes avaient creusé l'appétit. Puis ils s'endormirent, bercés par la houle; mais la femme de Gwillem restait éveillée et regardait son mari avec inquiétude, car le soir venait et ils n'apercevaient toujours aucun rivage. Cependant, la Montagne leur paraissait à tous de plus en plus haute; mais aucun rivage n'apparaissait, et la nuit tomba.
[...Il existe plusieurs relations de la traversée de Gwillem et sa famille; certaines mettent en scène un Kraken ou d'autres Créatures, telles le Serpent de Mer. Mais nous avons fait le choix de ne pas en parler ici, par souçi de cohésion dans le récit. Il ne faut pas oublier qu'un tel conte pouvait et peut encore être raconté au fil de mutilples veillées, favorisant un découpage en épisodes qui se prête mal à la rédaction d'un conte écrit...]
[...] Au matin, le radeau se trouva échoué sur un rivage en tout point semblable à celui de l'île à laquelle les vagues l'avaient arraché. Gwillem se demanda s'il n'était pas revenu en arrière durant la nuit par quelque phénomène inexplicable; mais levant les yeux il aperçut la Montagne qui dominait la côte, et il sut qu'il était parvenu de l'autre côté. Il réveilla sa femme et ses enfants, et tous rendirent grâce aux Dieux...
Gatrasz.
suspense... Super dessin ;-) Pourvu qu'ils ne se fassent pas manger par le grand Dragon !