• Fond sonore : [Sao Paulo Underground - Pomboral]  

    (...il fallait que je fasse son...portrait (voir mon modèle ici) ! ;) 


    Gatrasz.


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  • Fond sonore : [Hawkwind - Down Through The Night]

    III - Le Gaucho mis à mort

     

    Dans son appartement régnait une ambiance latino sympathique ; elle s'en sortait visiblement plutôt pas mal. L'éclat solaire d'un lampadaire, par la fenêtre ouverte, alluma joyeusement son armure minimaliste : elle chatoyait, le corps doré, quasiment nue.

    "Déshabille-toi !" , lâcha Isadora Pizarriñha Cortés en déposant ses gants sur la tablette. Je crus, à tort, qu'elle voulait en finir vite, et je m’exécutai. Elle déambulait avec classe entre les meubles, oscillant des hanches, comme à la recherche d'une idée cachée quelque part. Puis elle pivota sur les talons, pointa furieusement sa cravache dans ma direction :

     

    "Comment tu t'appelles ?

    -Hernàn Gaucho Cristadobal...

    -Il suffit ! Pour moi tu seras Gaucho. Mon cheval !"

     

    Elle me jeta théâtralement une peau de bique ; j'en drapai mon corps nu et me mis en situation de galoper autour du salon. Elle sauta sur mon dos, criant et cravachant comme si elle avait eu aux trousses toute l'armée de Moctézuma. La pièce devint notre Tenochtitlan de  fantasme, et la bave aux lèvres, les yeux fous, je jure bien avoir entendu les cris des guerriers aztèques que ma cavalière aux boucles dorées dégommait, transfigurée, à coups de hurlements barbares. Les chaînes qu'elle avait aux cuisses et à la ceinture battaient mes flancs pendant notre escapade ; et quand vint le moment de porter l'estocade, elle me saisit par les cheveux en s'exclamant : "Amor !"

     

    Puis elle m'étala au sol, m'enjamba, s'empara de moi. Mon épée s'en fut, happée dans ses hanches fantasmagoriques : j'étais perdu. La cavalcade était encore plus furieuse à présent, ses ongles m'arrachant la peau, les échardes meurtrissaient mon dos. Les cris sauvages et gutturaux de ma cavalière, son allure féminine si fière, comme un chef de guerre, tout ça me transportait. Elle était belle, me mettant à mort ; mais elle ne pouvait pas savoir. Le plaisir la gagnait, et son ondulation se faisait plus féline ; je partais lentement, le cœur rompu par la manœuvre et désolé de l'interrompre en son œuvre. Au moins eut-elle le temps de jouir, brutalement ; puis elle dut lire la mort dans mes yeux d'enfant délirant et comprit, bien trop tard, l'inanité de sa conquête. Quant à moi, je quittais la fête : mais le cadeau que je lui laissais lui rappellerait longtemps son esclave-cheval d'un soir. Immortel sans vraiment le vouloir, je me réincarnerais dans son ventre et serais, neuf mois plus tard, suçant son sein comme un soudard. Petit bâtard, cherchant son salut dans une fuite en avant reproductive, bonds temporels...à la dérive. Un jour peut-être dans mes yeux, sale moment, elle reconnaîtrait alors son amant. Drôle de maman...

    FIN 

     

    Gatrasz.


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  • Fond sonore : [Lee Ranaldo - Xtina As I Knew Her]

    I - La Loca ConquistadorA

    Que n'avais-je fait ! Mais je n'y peux rien: la lumière m'insupporte, un réverbère ça va, plusieurs centaines - certainement pas. Disparaître était pour moi depuis toujours une nécessité vitale, une échappatoire boulonnée à ma carapace comme les plumes aux ailes des oiseaux. J'avais pris la tangente, enfilé une rue adjacente... Ting ting ting ! Comme le son d'un triangle, cristallin, furtif, talons aiguilles ; elle était là soudain, accroupie devant moi, meurtrière ou fille de joie, au choix : poitrine offerte à l'avenant et la cravache entre les dents. Je suffoquai, comme si elle m'avait pris à la gorge ; je vis se dessiner sur ses lèvres un demi-sourire, puis elle s'approcha, tournant autour de moi comme une chatte autour de sa proie. Elle vint à moi, pauvre hidalgo, me colla d'un coup sec son talon pointu sous la jugulaire.

    "Ah, tu fais moins le fier !"

    J'étais raide. Pour reprendre mon souffle, j'aurais bien eu besoin d'un peu d'aide ; et pourtant sa généreuse poitrine, laissant présager d'une imposante capacité pulmonaire, ne me porta pas secours. J'avalai ma salive et lui demandai, prudemment, ce qu'elle voulait.

    "J'ai déjà ce que je veux, dit-elle en accentuant la pression du talon sur ma gorge. Tu ne le sais peut-être pas, mais les filles d'ici ont des droits. Des acquis sociaux, comme on dit ; à chaque passe elle peuvent choisir leur chéri. Moi, c'est toi ; suis moi donc immédiatement au lit."

    Inutile de prétendre lui échapper : je sentais sur elle le parfum capiteux de la mort, fasciné comme le premier indien voyant le Conquistador. Elle en portait l'armure, d'ailleurs, comme Klaus Kinski mais en plus joli, plus aéré aussi. Isadora Pizarriñha Cortés était son nom : elle me le glissa d'un contact humide à l'oreille, et je vis sous son casque poindre une mèche de cheveux dorés. Son corps, si près, m'ôta soudain toute envie d'incarner dans la fuite le fameux diacre Aguilar - je serais son esclave, et elle m'avilirait, me fouetterait pour son plaisir et ma contrition. Je sus aussi que j'allais mourir...

    (à suivre)

     

    Gatrasz.


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  • Fond sonore : [Hawkwind - The Psychedelic Warlords]

    I - El Dorado Dirty

    Le milieu de l'avenue était sombre ; c'est là que je marchais, dans l'ombre, anonyme regard avide des lumières jaillissant à flots continus des échoppes, sex-shops, épiceries en self-services et laveries automatiques aux murs carrelés brillants comme un glacier en plein midi. Il n'y avait plus qu'une succession de carrés lumineux, sur lesquels se découpaient, parfois, la silhouette si naturelle d'une racoleuse perchée sur ses talons télescopiques. Le bruit parvenait en flot, cris et coups de klaxon surgissant comme un poisson qui saute et puis qui replonge, dans un rejaillissement d'éclaboussures sonores. Le sermon des prêcheurs se mêlait aux appels des prostituées appâtant le client, qui sous une enseigne obscène, qui sous une croix de néon scintillant, tic-tic... Je laissais la ville dans mon dos, mes chaussures plus rapides encore que la vieille Cadillac 'Eldorado' qui m'avait mené là.

    Je m'étais fourvoyé, il y a trop d'années de çà, et je n'ambitionnais plus que me perdre aussi loin que possible de tout ça. De mon cœur il ne restait plus grand chose ; une petite provinciale l'avait croqué pour mieux s'intégrer au milieu. Tu verras, disait-elle, sans cœur tu vivras mieux dans cet univers. C'était vrai pour elle, apparemment ; pour moi non. Le souvenir des sentiments perdus m'obsédait, me triturait, et au fond je sentais la brûlure du palpitant fantôme. Mal cicatrisé sans doute, j'avais essayé de cautériser mais, peine perdue, même nos nuits n'était plus assez chaudes pour me brûler. Elle s'était finalement désintéressée de moi et de mes regrets infinis pour lorgner vers une vie plus adaptée à sa nature sentimentale particulière ; et j'étais parti par la grande avenue, les mains dans les poches et la casquette vissée au-dessus des yeux. Traversant les quartiers du vice à l'heure de pointe, j'eus quelques suées ; mais je refusai poliment les avances de Madonna, j'écartai gentiment Lady Gaga et même un sosie de Frank Zappa. Le bout de la Route de la Perdition s'approchait ; je bifurquai soudain dans une ruelle, pour m'éclipser plus commodément par les voies parallèles.

    (à suivre)

     

    Gatrasz.


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