• Gat' 2010

    ...à vous de voir où cette porte-là peut vous mener ;)


    Gatrasz.


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  • (Ambiance Ethylobar) : [Pete & Mike of LSMJ Acoustic Trio - Kickstart My Heart]  


    Je me lève brusquement ; Finley Gorkizhone m'agrippe aussitôt par le bras.

    "Tu es fou ! Quest-ce que tu fais ?
    -Tu le vois bien, je vais l'aider à se relever ! Imagine qu'elle se noie, ou bien...

    Il secoue la tête, comme si je n'avais plus une once de raison, et me fixe avec des yeux inquiets. Sa poigne se resserre sur mon bras.

    -Tu veux la sauver, c'est ça ?
    -Mais...évidemment !
    -Tu sais que c'est prohibé par le Nouveau Code Civil : elle l'a cherché !
    -Hein ? Peu m'importe...

    Ses yeux s'écarquillent encore un peu plus.

    -Enfin, mais tu n'imagines pas ce que ça coûte, de sauver une vie !
    -...ce que ça coûte ?

     Je sens les épaules de Finley se relâcher face à mon aveu d'ignorance ; et il se rassied en prenant un air docte, un petit objet sautillant au creux de sa paume.

     -J'aurais dû me douter que tu ne lisais pas les amendements parus au Nouveau Journal Officiel. Ceci dit, cette semaine tu as loupé quelque chose : depuis 3 jours, si tu empêches une personne de mourir alors qu'elle a tout fait pour, tu encoures un procès et une amende conséquente pour 'Atteinte à la Responsabilité d'Autrui'. En gros, tu permets à un irresponsable de continuer à mettre en danger la Société ; alors tu payes les futurs dégâts qu'il va faire. Tu veux toujours courir le risque ? Honnêtement, mon ami, je ne crois pas que tu puisses te le permettre...

     Je balbutie en silence, comme un poisson sorti de l'eau ; puis je parviens à me rasseoir et articuler :

     -Mais...se mettre en danger comme ça, ça doit être aussi un crime, non ?
    -Bien sûr ! L'irresponsable aussi, il faut qu'il paie : c'est ça, la
    Responsabilité d'Autrui."

     Pendant notre discours, la jeune fille se relève péniblement ; apparemment, à part son centre de l'équilibre rendu inopérant par l'alcool, tout fonctionne à peu près. Mais je ne me sens pas moins coupable ; encore une chose avec laquelle, comme dirait Finley, il va me falloir apprendre à vivre. C'est alors, seulement, que je remarque l'objet sautillant dans les main de mon ami ; c'est une petite chose pourvue de connexions biométriques aux extrêmités, un petit bout de fil, en fait. Jaune et vert.

     Mon coeur bondit puis se serre, comme mes doigts sur ma poitrine, à l'endroit de cette fameuse pompe sanguine. Effectivement, la connexion n'est plus là. Ah, le fin renard...

    "Alors, tu l'as fait ? Tu l'as enlevé...
    -Il le fallait bien, mon vieux. T'aurais fini par étouffer."

    Peu à peu, je sens mes souvenirs de Bettina qui s'effacent, lentement ; ne reste que la version aléatoire, celle de mon cerveau, déformée par la reconstruction perpétuelle des cellules grises et la perte des repères temporels. Un jour, peut-être, j'aurai fini par l'oublier. Déjà, je ne sais plus vraiment ce que j'ai perdu ; mais deux grosses larmes roulent de mes yeux.

    * * *

    C'est le moment que choisit la blonde pour réapparaître dans ma vie, d'une manière bien à elle. Se relevant avec conviction pour, encore une fois, tenter d'atteindre les toilettes, elle a dû glisser et perdre l'équilibre ; elle part en arrière, brutalement, trébuche...

    Le choc de son corps contre le mien me fait l'effet d'une défibrillation ; sans gel conducteur, sans même avoir besoin d'ouvrir ma chemise. Contraction du myocarde, afflux sanguin, la tête me tourne un peu. Ses bras noués autour de moi, ses petits seins comme des électrodes...le courant passe. Elle est là, bien calée contre moi ; elle a peut-être bien vingt-cinq ans, après tout. Et moi je n'en ai pas encore quarante... Où étais-je, toutes ces années ? Du coin de l'oeil, je vois Finley qui sourit ; puis il finit d'un trait son scotch, prend son chapeau, et s'en va en sifflotant.

     

    FIN

     

    Gatrasz.


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  • Fond sonore : [Shaka Ponk - Spit]  


    C'était peu après 09h15 ; je venais de me matérialiser dans la rue, à proximité du traffic. Un peu trop près, à vrai dire ; sentir le déplacement d'air des gros cargo-glisseurs commençait à devenir une dangereuse habitude.

    Finley Gorkizhone m'attendait depuis une poignée de nanosecondes devant l'ethylobar – il en reste encore quelques uns, pour les irréductibles de la boisson dans mon genre. C'est légal ; mais on y entre le foie sous le bras, responsables de nos vices jusqu'au bout.

     "Alors, vieux déchet ! "me dit-il en me tendant les bras ; c'est devenu une blague rituelle quand on se retrouve pour prendre nos cuites. Je ne prends plus la peine de répondre et le gratifie d'une accolade fraternelle. Nous buvons nos doses de scotch synthétique en vieux toxicos, un peu comme les vieux fumeurs d'opium orientaux sur les hologrammes d'Histoire de l'école primaire. Je les revois encore, avec leurs visages gris et ridés (hérésie !) : on murmure parfois qu'ils étaient sages, mais je crois pour ma part que c'étaient seulement des vieux, d'heureux amnésiques qui pouvaient encore, en ces temps reculés, sentir la drogue leur cramer l'encéphale. En ces temps où l'accès aux substances psychoactives est refusé aux possesseurs du permis de conduire un véhicule, il devient presque impossible d'avoir le droit d'oublier sa vie, rien qu'un petit instant ; on doit se souvenir, 'assumer' - c'est le mot qu'ils emploient. Seuls les couillons comme nous, qui se font balader en tram (entre leurs deux dématérialisantions quotidiennes, pour quitter et regagner leur domicile) ont encore la chance de pouvoir s'effacer la tronche un moment, rien qu'un, en laissant leur fardeau à l'entréee, accroché à un archaïque portemanteau. Et allez, à votre santé...

    "Tu as vu la fille, là-bas ? Elle a l'air bien amochée, souffle Finley en me désignant, du bout du tuyau de sa pipe, une blondinette aux chaussures délacées, avec un imperméable peau-de-pêche, titubant vers la porte des toilettes, la main écrasée sur la bouche. J'entrevois ses lèvres minces et serrées qui tremblent, ses yeux perdus ; une enfant, dans les vingt-cinq ans. Et déjà lessivée : assurément, elle ne sait plus son nom, et il n'est même pas dix heures du matin.

    -Pauvre gosse, dis-je. On devrait rester ignorant le plus longtemps possible...

    -Ne généralise pas. Il y en a aussi qui se donnent un genre, c'est tout. Le style déglingué, paraît que c'est toujours à la mode. Tiens, au fait, qu'est-ce que c'est que ça ?

    Il montre cette fois le petit cable jaune et vert, d'aspect désuet, qui dépasse de mon veston. Flûte. J'avais cru qu'il ne le verrait pas.

     -Ça ? fais-je, cynique ; tu le sais très bien, c'est la connexion émotive . Elle part de la base du crâne et est reliée au coeur, tu te rappelles ?

    -Je sais bien, espèce de gros sac. Mais je croyais que tu te serais fait ôter ça, depuis...enfin, tu sais bien.

    -Oui, je sais. Mais le souvenir de mes émotions...c'est tout ce qui me reste de Bettina. Tout est là. Le frémissement de ses cheveux dans le vent, la rondeur de ses seins, l'intensité de ses cris quand nous faisions l'amour et que l'extase la prenait, comme un coup de fouet... Même le battement de ses cils est enregistré là, dans ce fil. Je ne veux pas oublier ça. Tout, mais pas ça..."

    On l'a eue un nombre incalculable de fois, cette discussion. A la laverie de quartier, aux latrines publiques (il n'y en a plus de domestiques, ça n'aidait pas pour les contrôles d'hygiène), et enfin surtout dans l'éthylobar. Pourquoi ne comprendrait-il pas ? Bettina, ce n'est pas un souvenir comme les autres, c'est ma femme. Ma souffrance, à présent qu'elle est partie. Et j'y tiens, parce que c'est moi qui l'ai choisi. C'était moi, ce choix. Qui serais-je devenu si j'oubliais même ça ?

    Heureusement, les choses se gâtent dans le bar : j'entends un bruit de chute, un choc lourd, et le crâne de la blonde en rose pâle rebondit durement sur le carrelage. Une flaque de vomi s'étend tout autour, rapidement. 

    (à suivre...)

     

    Gatrasz.


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  • (Dessin : Gat'2011)
    Fond sonore 2 (puisque vous êtes sages) : Marilyn - I Wanna Be Loved By You

    Je ne sais pas pourquoi, à chaque fois que je vais dans les bois, ces idées me viennent...


    Gatrasz.


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